Invité du Café littéraire de Béjaïa, samedi passé, le professeur Bélaïd Abane a présenté, dans une salle pleine à craquer du Théâre régional de Béjaïa (TRB), son dernier livre Nuages sur la Révolution. Abane au cœur de la tempête, paru aux éditions Koukou. C'est le troisième livre d'une quadrilogie consacrée au parcours de Abane Ramdane et à son empreinte sur la révolution algérienne. Ce troisième titre apporte de nouveaux éclairages sur le leader incontesté de cette révolution qui a bouleversé à travers le monde le système colonial dans ses fondements. L'auteur s'est étalé sans compromis aucun sur toutes les questions possibles concernant les guerres intestines ayant rongé la lutte pour le recouvrement de l'Indépendance. De l'exécution des militants berbéristes comme Bennai Ouali, Amar Ould-Hamouda et M'barek Aït Menguellet à la guerre fratricide entre le mouvement de Messali, le MNA et le FLN, que l'auteur a survolées, l'assistance a eu à prendre connaissance de l'analyse du neveu du chef de la Révolution à propos du malaise qui est apparu entre la direction intérieure de la Révolution et sa représentation à l'extérieure. Dirigée par Benbella, cette dernière s'est «félicitée de l'assassinat de Abane Ramdane», comme le témoigne le message adressé par l'ancien responsable de l'OS au CNRA où il était dit expressément : «Je vous félicite pour le nettoyage effectué (…)», selon l'orateur. A propos de l'exécution des «identitaires», le professeur Abane a indiqué que Abane Ramdane a inscrit la Révolution dans une logique de citoyenneté. «Il a balayé toutes les autres visions comme l'identité sous toutes ses formes», dira le professeur. Et d'ajouter : «Il a toujours défendu l'idée d'une révolution algérienne.» Il a donné aussi la véritable explication de la fameuse primauté du politique sur le militaire, si chère au chef de la Révolution, consacrée par le Congrès de la Soummam. «Pour Abane Ramdane, toute action militaire devrait avoir une résonnance politique», expliquera le conférencier. Avant d'ajouter : «C'était le credo de Ramdane.» Dans la foison de questions qui ont suivi la rencontre, on notera celles se rapportant aux éventuelles rencontres de Abane Ramdane avec André Mandouze et qui auraient provoqué la suspicion de la direction de la Révolution, ainsi que le rôle de Boussouf et de Krim dans l'assassinat de Abane. A propos de la rencontre du chef de la Révolution avec l'éminent professeur et militant anticolonialiste, l'auteur a tenu à démentir les thèses selon lesquelles l'organisateur du Congrès de la Soumam aurait fait cavalier seul. Puisque, selon lui, «André Mandouze a fait part des propositions de paix de Mendès-France aussi bien à Abane qu'a Benkhedda». Il ajoute : «Abane n'avait à aucun moment remis en cause le préalable de l'indépendance du pays lors de ces rencontres.» Pour le conférencier, on ne peut pas imputer directement l'assassinat de Abane à Bousouf mais plutôt au «cercle de tueurs et de comploteurs qui l'entouraient au MALG», comme ils les désignaient lui-même. «On ne peut pas dénier au MALG son rôle dans la lutte contre le colonialisme», ajoute le conférencier. Les sorties médiatiques de certains anciens du MALG comme Dahou Ould Kablia, ex-ministre de l'Intérieur, n'ont pas été en reste dans l'intervention du professeur Abane. «Les propos tenus par DOK obéissent plutôt à la logique du subalterne qui défend la mémoire de son mentor», dira l'orateur. Il a révélé, par ailleurs, que «ce monsieur, du temps où il était ministre de l'Intérieur, avait même donné ordre à ses services de me filer et de m'espionner depuis que je me suis mis en tête d'écrire sur Abane Ramdane». La tempête, c'est Krim Mais la tempête, c'est finalement Krim qui l'avait provoquée avec son ambition démesurée de vouloir être le chef de la Révolution. Il voulait s'imposer au nom d'une légitimité historique qu'il croyait pouvoir tirer de sa présence avant la guerre de libération au maquis pendant dix années. «Abane était devenu chef incontesté par l'aura qui se dégageait de ses prises de décision et de sa vision politique. C'était suffisant pour rendre jaloux Krim», dira enfin le neveu de celui qui fut la cheville ouvrière de la lutte pour l'Indépendance. Le professeur Belaïd Abane reviendra sur cette question et sur l'ascension du MALG et de son rôle dans la prise de pouvoir, à travers le quatrième et dernier livre de cette oeuvre qui paraîtra dans moins d'une année.