La contrainte financière qui a occasionné des retards dans les travaux de réalisation risque d'induire des avenants qui alourdiront la facture du coût du projet. La date de livraison de la pénétrante autoroutière reliant le port de Djen Djen, à Jijel, à la ville d'El-Eulma, dans la wilaya de Sétif, est enfin connue. Répondant à une question de Liberté, le directeur de l'Agence nationale des autoroutes (ANA) a avancé l'année 2023, soit encore trois ans de travaux, pour la livraison de ce projet qui continue à soulever moult interrogations sur le sort qui lui a été réservé depuis le lancement des travaux de réalisation en mars 2014. Ce responsable a cependant conditionné le respect de ce délai par l'assainissement de la situation financière de ce projet. "Tout dépendra du paiement des situations financières", a-t-il clairement précisé. En butte à des difficultés financières, telles que soulevées par ce même responsable, cette pénétrante connaît un grand retard dans sa réalisation. Et c'est dans cette perspective qu'une rencontre, tenue ce jeudi, à l'initiative du wali de la wilaya de Jijel, Abdelkader Kelkel, où ont été abordés tous les détails relatifs à ce blocage. Dans son initiative, le chef de l'exécutif semble vouloir mettre un terme aux supputations et surtout aux rumeurs sur le risque d'abandon du projet, comme il l'a si bien soutenu, qui se relaient sur ce projet. "S'il n'y a pas information, il y a interprétation, ce qui conduit à des rumeurs", a-t-il lancé pour justifier la tenue de cette rencontre à travers laquelle il a voulu que toute la lumière soit faite sur ce projet structurant. "Si les pouvoirs publics ont lancé ce projet, c'est pour l'achever et il va être achevé aujourd'hui ou demain", a-t-il martelé pour signifier clairement que la réalisation de cette pénétrante demeure une priorité. Ainsi, c'est en présence de tous les intervenants impliqués dans le chantier de cette infrastructure routière de grande importance pour le développement économique et le désenclavement de la wilaya de Jijel, que les débats ont été ouverts. D'abord par une intervention du directeur des travaux publics qui a passé en revue toutes les étapes relatives à la réalisation de ce projet dans sa partie traversant la wilaya de Jijel. Les opérations confiées à cette direction concernent le déplacement des différents réseaux et les expropriations des citoyens à l'effet de les indemniser. De cette intervention, il s'avère que la plus grande partie de cette mission a été réalisée. Et le directeur des travaux publics de confier que tout au long de ce parcours de 45 km, il a été relevé 80 contraintes, dont 73 ont été levées. Les 7 restantes sont en voie d'être prises en charge. Il convient de noter que l'intervention de ce responsable n'a concerné que la partie relevant de la wilaya de Jijel. Aucun détail n'a été donné sur cette opération du côté de Mila, concernée par le passage d'un tronçon de 15 km, et Sétif, traversée par un long parcours de 55 km. L'intervention du directeur de l'ANA a cependant levé le voile sur ces deux parties, lorsqu'il a fait part d'un total de 198 contraintes recensées tout au long du parcours de ce projet qui s'étend sur 110 km. De ces contraintes, seules les 73 relatives au tronçon de la wilaya de Jijel ont été levées. Aucun paiement depuis mai 2019 À Sétif et Mila aucune contrainte n'a été levée. C'est dire que ce projet semble n'intéresser que la wilaya de Jijel. C'est à cette remarque que le directeur de l'ANA a tenté de rassurer que récemment le wali de Sétif a effectué une visite sur ce chantier pour le relancer du côté des Hauts-Plateaux. Qu'à cela ne tienne, puisqu'après l'intervention du responsable de l'ANA, c'est un représentant du groupement d'entreprises algéro-italien (Rezzani De Echer, ETRHB et Sapta), chargé de la réalisation de cette pénétrante qui est intervenu pour faire un état des lieux pas du tout rassurant quant à l'évolution des travaux. L'intervenant a surtout insisté sur le non-paiement des situations financières au titre des travaux réalisés. On apprend, à ce titre, qu'aucun paiement n'a été effectué depuis mai 2019 et que ce retard traîne jusqu'à ce jour. Après un arrêt du chantier dû à la crise sanitaire de la Covid-19, les travaux ont cependant repris, mais difficilement, au mois de juillet dernier. Les travaux peinent à reprendre une meilleure cadence, selon le constat fait. Outre les contraintes financières soulevées, les péripéties administratives de l'ETRHB Haddad ont également été à l'origine du retard signalé durant cette période. À cela s'ajoute, selon un intervenant italien, le problème du retour des étrangers, partis dans leurs pays, dont seulement 14, originaires d'Italie, sont revenus. Il reste encore à faire revenir sur ce chantier 55 Italiens et plus d'une centaine d'autres employés étrangers de l'entreprise sous-traitante turque Mapa, engagée en 2015 pour la réalisation des tunnels de Texenna. Intervenant en dernier, le P/APW a déploré le blocage de ce projet, dont les travaux n'ont guère évolué depuis juillet 2019 date à laquelle une commission de cette instance s'est déplacée sur les lieux pour s'enquérir de l'état d'avancement des travaux. Dans l'espoir d'attirer l'attention des hautes autorités du pays sur ce blocage, un rapport a été adressé par l'APW au Premier ministre pour lui faire part de l'importance de ce projet pour la wilaya. Le rapport évoque, entre autres, le sort du port de Djen Djen, dont les atouts font de lui l'une des plus importantes infrastructures portuaires à l'échelle du pays, qui attend la livraison de ce projet pour l'intensification de son trafic, selon le P/APW. Autant dire qu'au-delà du constat fait et des détails fournis quant à l'évolution des travaux de réalisation de cette pénétrante, celle-ci semble dépendre de la volonté d'une décision politique en haut lieu pour lever les contraintes pour que le projet voie enfin le jour. Le relief accidenté, une autre contrainte "Sinon, comment expliquer que ce problème financier persiste encore ?" s'interrogent certains, à juste titre d'ailleurs. Il convient de rappeler que ce même problème a été soulevé, et avec insistance, par des représentants italiens du groupement d'entreprises auquel est confié le projet lors de la visite de l'ex-ministre des Travaux publics, Abdelghani Zaâlane, à Jijel, à l'été 2018. Les Italiens se sont toujours plaints de cette situation qui a impacté directement l'évolution des travaux. Si ces derniers font face à un certain nombre d'obstacles mais qui demeurent maîtrisables, selon ce qui a été soulevé, la contrainte majeure reste le financement qui pose un réel problème pour son achèvement. Il convient de noter qu'en plus des contraintes signalées, c'est la nature de l'étude, réalisée par un bureau algéro-canadien, qui a posé problème à l'exécution des travaux, conduisant au changement du tracé dans certains parcours par rapport aux variantes retenues. S'ajoute à cela le relief accidenté du tracé, qui a fait que ces travaux sont confrontés à la nature d'un terrain glissant. Cela dit, et en insistant sur une meilleure reprise des travaux loin de ces contraintes, notamment financières, le wali n'a fait que le constat d'une situation qui ne dépend pas de sa volonté ni de celle des intervenants, venus présenter la situation de ce projet, qui ne cesse, et depuis six ans, de faire couler beaucoup d'encre. En dépit de tout ce qui a été soulevé, notamment la contrainte financière, les pouvoirs publics ont réservé à cette pénétrante un montant de plus de 180 milliards de dinars à son lancement. Si le taux global d'avancement des travaux a atteint 45%, la consommation financière de ce montant est de l'ordre de 35%, selon les chiffres avancés. Malheureusement, aucun tronçon ni ouvrage d'art n'ont été livrés à ce jour même s'il était prévu la livraison de 13 km à Jijel et 17 autres à Sétif avant que tout ne soit remis en cause toujours pour les mêmes raisons, à savoir le non-paiement des situations financières. En attendant que cette situation se débloque, c'est toute la wilaya de Jijel qui reste suspendue à ce "projet-rêve" pour amorcer son décollage économique, comme on le clame si souvent. Ce développement tant escompté passe par le désenclavement de cette wilaya, dont les échanges avec le reste des autres régions du pays sont aujourd'hui otages de cet état d'isolement dans lequel elle se trouve.