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"La grande mosquée de Paris et le CFCM ont failli"
Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation de l'Islam de France
Publié dans Liberté le 26 - 10 - 2020

Figure tutélaire de l'islam de France, connu pour ses positions à contre-courant de la vision rigoriste de la religion, Ghaleb Bencheikh mène un combat de longue haleine pour réintroduire de la rationalité dans la pensée islamique. Laïc assumé, le président de la Fondation de l'islam de France, en tant que "physicien" de la religion, tente d'extirper les musulmans de France des griffes et de l'influence des prédicateurs salafistes qui prospèrent sur la misère qui enserre les jeunes des banlieues. Après le choc provoqué par le meurtre de l'enseignant Samuel Paty, M. Bencheikh plaide pour une "pratique cultuelle apaisée" et appelle les fidèles à "revenir à l'enseignement prophétique, celui de la miséricorde, de la magnanimité, de la grandeur d'âme, du pardon et de la réconciliation..."
Liberté : Des voix se sont élevées pour dire qu'il y a un problème avec l'islam en France, à la suite de l'assassinat de Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie le 16 octobre dernier. Croyez-vous que ce soit le cas ?
Ghaleb Bencheikh : Il faut savoir d'où émane ce genre de discours. Avec ou sans attentat terroriste, l'extrême droite a toujours soutenu qu'il y a un problème avec l'islam, en dénonçant la démobilisation des esprits et le triomphe d'une idéologie haineuse. Elle exploite la peur due aux fameux quatre i qui sont les initiales d'immigration, d'islam, d'identité et d'insécurité pour crier à la pulvérisation du pacte républicain. L'assassinat de Samuel Paty est un acte odieux et exécrable que nous condamnons avec force. Mais il est le produit d'un terrorisme abject qui sévit au nom de l'islamisme radical. Ce courant a perverti et avili la foi islamique. Il a aussi contribué à libérer la parole brocardant les musulmans et qui soutient l'incompatibilité irréductible de la pratique religieuse islamique avec les valeurs de la République. Des discours de cette nature fragmentent davantage la société française.
Ce discours qui était l'apanage de l'extrême droite est, toutefois, repris par des représentants de l'Etat. Le ministre de l'Intérieur vient de dire par exemple qu'il est contre l'existence de rayons alimentaires communautaires dans les supermarchés. Qu'en pensez-vous ?
Gérald Darmanin est revenu sur ses paroles en indiquant avoir émis une opinion personnelle qui n'engage pas le gouvernement. Nous passerons très vite à quelque chose de beaucoup plus important.
Certains pointent du doigt une forme de sectarisme religieux dans les quartiers à forte concentration maghrébine et musulmane. Mais l'islam n'est-il pas plutôt un refuge pour ces populations, victimes très souvent de l'exclusion socioéconomique ?
Nos compatriotes musulmans sont obsédés par la norme canonique. La faille identitaire les a conduits à un surinvestissement dans la pratique religieuse. L'islam fait office de norme identitaire et justifie l'appartenance à une communauté. Or, cette crispation est source de problèmes. Une identité heureuse et composite (appartenance à un milieu professionnel, syndical, à une région...) s'exprime plus souvent avec une pratique cultuelle apaisée et intériorisée. Elle ne définit pas uniquement l'individu sur la base de considérations religieuses. Aujourd'hui, dans les banlieues, la pratique religieuse est véhiculée par une idéologie mortifère et extrémiste qui prône un islam "pur". Cette idéologie crétinise les esprits, produit des comportements ostentatoires et donne lieu, malheureusement, à une religiosité puérile qui s'avère dangereuse, comme nous venons de le voir.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Les raisons sont multiples. Nous en sommes arrivés là d'abord à cause de la démission, de la frilosité et de la lâcheté des hiérarques musulmans qui n'ont pas su prendre en charge la détresse morale et sociale de toute une jeunesse. L'affaire du voile à la fin des années 1980 est un exemple. Les responsables musulmans ont préféré s'enchaîner à des références coraniques qui ne sont pas claires sur ce sujet au lieu d'exhorter les musulmans à obéir aux injonctions plus nombreuses et impérieuses sur l'acquisition du savoir et de la connaissance contenus dans le Coran. L'Etat français n'a pas, lui aussi, pris ses responsabilités dans ce dossier et a préféré se défausser sur le Conseil d'Etat et les directeurs des établissements scolaires avant de légiférer sur la question du port du voile.
Bien évidemment, la strate socioéconomique est aussi importante pour comprendre la religiosité ostentatoire qui se répand chez les musulmans de France. L'appartenance à l'islam prend les formes d'une revendication identitaire. Des jeunes et des familles entières, ghettoïsés et marginalisés, sont devenus la cible d'une offensive salafiste venue du Proche-Orient et entretenue par des sermonnaires et gestionnaires du sacré. Ces derniers proposent à leurs proies d'appartenir à une communauté supranationale, soudée par l'islam à la place d'une société française dissolue où ils se considèrent rejetés et qui leur dénie la pleine citoyenneté. Il faut ajouter aussi que les gouvernements français successifs ont échoué dans leurs stratégies d'insertion. Des milliards d'euros ont été dépensés dans les politiques de la ville pour le résultat que nous constatons.
Après le dernier assassinat, des décisions sécuritaires importantes ont été prises : démantèlement d'organisations, fermeture d'une mosquée, arrestations... Cela ne risque-t-il pas d'être contre-productif en exacerbant chez les musulmans le sentiment de rejet ?
La réponse sécuritaire des forces de l'ordre et des renseignements généraux est nécessaire. Des attentats ont été déjoués grâce à ce genre d'interventions. Il est aussi attendu par l'opinion française que le gouvernement fasse preuve de fermeté. À moyen et à long termes, d'autres actions éducatives et sociales doivent néanmoins être menées.
Il est nécessaire de sanctuariser l'école et d'expliquer aux familles que l'école est là pour expliquer le monde, afin de ne pas le subir, et pour aiguiser les esprits des élèves et les préparer à être des citoyens à la réflexion critique.
Le professeur d'histoire-géographie assassiné avait donc tout à fait le droit de commenter les caricatures de "Charlie Hebdo" sur le prophète Mohammed...
Le programme de l'éducation nationale est l'émanation de la loi commune. Le cours d'instruction civique sur la liberté d'expression offre au professeur la possibilité de s'appuyer sur des caricatures. L'enseignant peut, dans le cadre de son projet pédagogique, choisir les caricatures qu'il veut sans que cela prête à controverse. Les musulmans, de leur côté, ne doivent pas considérer que ce sont eux qui sont atteints lorsque le sacré est touché. Et quand bien même la diffusion des caricatures serait vécue comme une épreuve rude par des musulmans dans une société sécularisée qui ne reconnaît pas le délit de blasphème, il est important de revenir à l'enseignement prophétique. Celui de la miséricorde, de la magnanimité, de la grandeur d'âme, du pardon et de la réconciliation.
En plus de la Grande Mosquée de Paris, l'Etat français a mis en place le Conseil français du culte musulman afin d'organiser la pratique musulmane en France. Quel bilan faites-vous de leur travail ?
Ils ont failli. Le CFCM, par exemple, fonctionne suivant une présidence tournante qui fait la part belle à ce qu'on appelle l'islam consulaire. On a vu défiler des dirigeants affiliés au Maroc, à l'Algérie, puis à la Turquie. Cette organisation est un non-sens. Elle est aussi paradoxale. On demande à l'Etat français de ne pas se mêler du culte musulman en vertu de la loi de 1905 et on s'accommode en même temps de l'ingérence de puissances étrangères. Si la Grande Mosquée de Paris avait continué à jouer son rôle de fédérateur dans les années quatre-vingt-dix, on n'aurait jamais eu besoin d'un CFCM. Elle a connu une longue période d'incompétence et d'incurie. Cette faillite a libéré la voie à des organisations radicales comme les Frères musulmans et à un tas de prédicateurs fondamentalistes venus d'ailleurs qui absorbent la colère et le désarroi de la jeunesse musulmane de France.
L'Etat français veut organiser depuis plusieurs années déjà une réforme de l'islam de France. Est-il dans son rôle ?
Ce n'est pas à l'Etat de dicter la manière avec laquelle le culte doit être réformé et organisé. En revanche, les pouvoirs publics sont légitimement fondés à avoir des interlocuteurs compétents et sérieux, afin d'entreprendre la refondation de la pensée théologique. Il est nécessaire aujourd'hui d'avoir une pratique religieuse bien structurée et de veiller à ce que la parole publique, donnée au nom des musulmans, soit responsable et contrecarre le discours salafiste.
Comment la Fondation de l'islam de France peut-elle contribuer à cette réforme ?
J'ai rencontré le président Macron et nous avons longtemps discuté avant son discours des Mureaux sur les séparatismes. Le président a, par la suite, octroyé à la Fondation une dotation de dix millions d'euros. Elle nous permettra de consolider et de poursuivre les chantiers titanesques entrepris dans les champs éducatif, culturel, social et philanthropique. Cette dotation nous permettra aussi d'attribuer des bourses à de jeunes étudiants en islamologie savante et à former des imams dans leur cursus civique.

Entretien réalisé par : Samia Lokmane-Khelil


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