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"Le fondamentalisme c'est le culte sans la culture"
GHALEB BENCHEIKH hier au Forum de "Liberté"
Publié dans Liberté le 18 - 01 - 2015

Pour l'islamologue, on ne peut plus considérer aujourd'hui l'islam comme une simple religion. Le fait religieux est devenu une revendication identitaire, un phénomène sociopolitique, un dérapage, une dérive mondiale...
Invité de toutes parts en France et actualité brûlante oblige, Ghaleb Bencheikh, philosophe, théologien et président de la Conférence mondiale des religions pour la paix, a fait honneur, hier, au Forum de Liberté pour débattre des attentats sanglants qui viennent d'endeuiller la France et des réactions qui ont suivi les caricatures de l'hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo. Pour coller aux événements qui, chaque jour, amènent leur lot de désolation, l'invité de Liberté a bien voulu revenir sur l'actualité algérienne qui nous préoccupe désormais au plus haut point : "Hier j'étais à Lille où j'ai appris qu'il y avait eu des manifestations à Alger après la prière du vendredi. Je vous avoue que, spontanément, je me suis dit que les marches sont interdites, ce qui, de mon point de vue, est déjà un non-sens à moins qu'on m'en explique les raisons casuistiques. Enfin, je me suis interrogé : comment peut-on manifester à Alger puisque c'est interdit ? Telle était ma première réaction. Ensuite, j'ai fait un lien avec une précédente manifestation tolérée exceptionnellement pour Gaza. Finalement, je me suis demandé s'il y avait eu un compromis avec le pouvoir ? Enfin, j'ai appris dans la soirée qu'un parti islamiste voulait récupérer la colère de nos coreligionnaires et j'ai enfin su pour ces logorrhées dégénérées et ces mots d'ordre qui nous ont ensanglantés. Il nous faut être extrêmement vigilants pour ne laisser personne entrer dans les interstices et récupérer le marasme ! L'unité nationale est importante aussi pour l'Algérie."
Il faut dire qu'en matière de "taghenant" (surenchère), les dirigeants de l'Algérie n'ont de leçon à recevoir de personne. Ainsi, pour la "liberté d'expression", celle-ci est jetée en pâture même aux terroristes. Ghaleb Bencheikh sait à présent que, grâce à Charlie Hebdo et aux frères Kouachi, les islamistes algériens ont vite réussi à s'engouffrer dans la brèche et même à sortir leur grosse artillerie en scandant des slogans qu'on croyait ne plus jamais entendre. Face à la versatilité sinon la duplicité d'un pouvoir scélérat qui veut perdurer à tout prix, il a fallu vite revenir aux évènements qui ont secoué la capitale française et le monde entier, objet de la rencontre. Pour l'invité du Forum de Liberté, la situation qui prévaut actuellement en France était "quasi inéluctable". "C'est écrit qu'on en arriverait là ! Il y a des raisons endogènes qui remontent à une frange de citoyens français de confession islamique et d'autres facteurs exogènes qui alimentent les premiers éléments." Cette "imbrication" est rendue encore plus complexe puisqu'elle a pour décorum "une mondialisation qui raccourcit tout !".
Les occasions ratées
Dans son laïus préliminaire, Ghaleb Benchiekh a tenu à se souvenir de la "Marche pour l'égalité et contre le racisme" qui s'était déroulée en France du 15 octobre au 3 décembre 1983 et qui, selon lui, n'était pas moins qu'une main tendue insuffisamment mise à profit par les autorités françaises. Il rappellera que parmi les mots d'ordre scandés durant cette marche, il y avait la fameuse devise républicaine, le triptyque : "Liberté, égalité, fraternité". Surnommée à l'époque par les médias "la Marche des beurs", (un mot qu'il récuse, lui préférant le mot arabe qui doit retrouver, selon lui, sa densité civilisationnelle, sa fierté...) cette grande manifestation n'avait pas tenu ses promesses.
L'orateur insiste sur le fait qu'en disant : "Non au racisme et oui à la justice sociale", ces marcheurs avaient surtout agi dans un cadre républicain et laïque. Il regrette aujourd'hui que les enfants des "marcheurs" soient devenus "la proie facile des sermonnaires doctrinaires et des imams ignares". Pour illustrer son propos, l‘orateur rappellera l'existence de lieux de culte insalubres, "l'islam des caves où l'on a vite cloné des Khaled Khelkhal, les Merah, les Nemmouche, les Coulibaly et autres frères Kouachi". Sur le plan des inégalités, il reconnaît, sans ambages, qu'il y a peut-être quelques individualités caméléonesques dans la société française mais le pôle majoritaire est prolétarisé, précarisé, banlieusardisé, islamisé.. Ce qui le chagrine le plus, c'est l'absence d'intérêt pour ces questions : "Nous n'avons pas vu, depuis deux décennies, une manifestation scientifique d'envergure traitant de ces considérations. Il n'y a pas eu de sociographie d'établie. On a laissé une religiosité crétinisante s'installer. Il y a un énorme diagnostic à mener pour chercher les fêlures morales comme le pourquoi des monstruosités de Daech." Concernant l'affaire du voile, et d'une manière générale l'approche du fait religieux qui a cours en France, Bencheikh se veut tranchant.
D'après lui, si une autorité française avait dit, sans détours, "stop à une raison religieuse qui voulait que des fillettes à peine nubiles soient emmitouflées, on n'en serait pas là aujourd'hui". Il rappellera à cet effet que les injonctions quant à l'acquisition du savoir étaient beaucoup plus nombreuses (et donc plus importantes) en islam qu'une telle observance tatillonne.
À qui profite le crime ?
"Bref, de démissions en démissions, de régressions en régressions, d'abdications en abdications, on se retrouve aujourd'hui dans une situation où malheureusement, on récolte les fruits amers d'une religiosité infantilisante et culpabilisante, d'une crétinisation des esprits... Petit à petit, on s'est retrouvé face à des monstres. Je le dis comme un homme révolté mais d'une révolte froide.» Très au fait des circuits qu'empruntent les djihadistes, Bencheikh n'a pas manqué de décocher quelques flèches en direction des sponsors du terrorisme islamiste mondial. Ainsi, d'après lui, "à côté des islamo-délinquants non intégrables, il y en a qui s'échinent à sauver les marchés des pouliches à Deauville".
L'allusion aux pétrodollars des monarchies du Golfe est ici encore plus manifeste : "Il y a un corpus en action, le wahhabisme en acte, le salafisme belliqueux avec la cruauté en sus !" S'il ne manque pas de noter l'interconnexion à travers ce qui se passe dans le monde, Bencheikh admet ouvertement que la République (française) a failli, que le naufrage de l'école et des institutions n'est pas une vue de l'esprit. D'après lui, "depuis deux décennies, rien n'a été fait si ce n'est que nos imams participent aujourd'hui aux Garden party offertes par le préfet du coin". L'important, selon lui, est d'articuler une "spiritualité vivante" et montrer "l'apport de l'Islam au corpus universel" et cela dans "une nation, composite, plurielle et diversifiée. Ce travail n'a pas été fait et je le regrette !" Bencheikh relève également un "glissement sémantique" qui consiste à "ethniciser en confessionnalisant" : "On nous parle de préfet musulman..." Il retient qu'on a eu droit lors du quinquennat précédent à une sorte de "course à l'échalote vers les thèses du Front national", une dérive droitière qu'il ne manque pas de décliner à travers les différentes prises de position racistes des Guéant, des Morano et autres Longuet. "En interne, il y a eu une cristallisation ou une focalisation sur certains épiphénomènes comme l'abatage rituel, l'apparence vestimentaire, Des sujets dont Marine Le Pen ne s'est pas fait prier pour s'en emparer."
À qui profite le crime ? "J'ai une supputation à faire. J'imagine qu'il y a une partie de la population française ou encore des officines qui ont envie d'attiser le feu pour aller vers une conflagration. La présence de ces ingérables est une raison pour aller franco et les bouter hors du territoire de France." Bencheikh regrette qu'en matière de traitement médiatique, les émissions de grande écoute, n'échappent pas, elles aussi, aux impérities, aux inepties, aux billevesées et autres fadaises. "C'est ainsi qu'un judoka, un rappeur et même une lofteuse sont invités pour parler de théologie fine, de civilisation islamique et de géostratégie. Parfois, on fait venir l'imam du coin, on le titille sur la burqa et ça donne un spectacle affligeant. Suivent alors les chimères sur ce qui se passe ailleurs et voilà qu'une partie de la population est présentée comme allogène et intruse à la nation." D'après lui, sur le plan intellectuel et académique, les imams cathodiques sont souvent falots. "Ils disent des choses qui plaisent pour revenir ensuite sur les plateaux de télé, pour vivre tout simplement. Pendant ce temps, les principes sont trahis..."
Misislmaique, qu'esaco ?
A islamophobe, l'islamologue préfère le terme de "misislamique", un néologisme qui reprend le préfixe grec "mis" qui désigne une "personne qui hait le genre humain" à l'image du misanthrope ou du misogyne. D'après lui, il s'agit d'une phobie, d'une pathologie maladive : "C'est même devenu insupportable à la fin de dire que cela n'a rien à voir avec l'islam. Le fondamentalisme n'est que le culte sans la culture, la religiosité sans la spiritualité, c'est une forme de fanatisme, c'est une croyance sans la connaissance." Concernant les protestations contre les caricatures, il n'hésite pas à donner son avis : "Comme homme et homme de foi car il se trouve que je suis musulman, je ne comprends pas cette hystérie qui agite mes coreligionnaires autour de la figure du Prophète. Ils veulent venger son honneur alors qu'ils l'ont trahi. Si l'on est convaincu par sa foi grâce à une véritable connaissance de la religion, cela ne vous atteint pas. Et si l'on est outré, on peut toujours réagir civilement devant les tribunaux tout en sachant, toutefois, que le délit de blasphème n'existe pas en France." Il rappellera que de son vivant le Prophète avait fait l'objet de plusieurs vexations et même d'une agression à coups de mâchoire d'âne. Mohamed (QSSSL) répondra par une citation de Jésus : "Ô mon Dieu, pardonnez-leur ils ne savent pas ce qu'ils font. Voilà une attitude prophétique !" Et puis, pour lui, les clichés ne datent pas d'aujourd'hui.
Dans La Divine Comédie de Dante, une partie est consacrée au Prophète qui y est malmené notamment dans le pastiche d'une célèbre épitre de la tradition musulmane. "Les lettrés musulmans de l'époque ne sont pas offusqués pour autant et ont continué à lire Dante. Dans une situation de confrontation et de chaos l'intelligence ce n'est pas de la faiblesse ou de la couardise. Bien au contraire !" Bencheikh ne comprend pas qu'en réagissant à une caricature, on en vient à "semer le chaos". "Depuis 2005, on a raté de nombreuses occasions de magnanimité, une intelligence du cœur, une valeur fondamentale en Islam." En matière de laïcité, Ghaleb Bencheikh ne fait pas de mystère quant à son penchant pour la séparation du politique et le religieux. "Certes, la laïcité n'a pas d'équivalent en arabe, en persan, en ourdou, en turc. Il n'y en avait même pas en espagnol et en anglais. C'est Emile Littré qui a inventé ce vocable qui vient du grec Laïkos et de Laos qui signifie bas peuple par rapport aux clercs. Mais là n'est pas le problème. La laïcité est en train de perdre du terrain car l'environnement est de moins en moins laïque. Cela dit, aucune religion ne résiste à la laïcité si elle est voulue par ses théologiens. Il faut aller vers cela", recommande-t-il, sans aucune réserve.
Bencheikh appelle donc à une "refondation de la pensée islamique", l'un des chantiers fondamentaux qui nécessiterait peut-être, selon lui, la tenue un "colloque ad hoc" : "On doit pouvoir changer de religion. L'islam ne criminalise pas l'apostasie. Il n'y a rien dans les références scripturaires qui ne s'y opposent." Le plus urgent néanmoins, est de "désacraliser la violence commanditée par la transcendance", ce qui équivaut à désamorcer une véritable bombe à retardement.
M.-C. L.


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