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"Réinvestir le multilatéralisme, le cœur du rôle de Biden"
Sébastien Boussois, docteur en Sciences politiques
Publié dans Liberté le 09 - 11 - 2020

Sébastien Boussois est docteur en sciences politiques, Moyen-Orient relations euro-arabes/terrorisme et radicalisation, enseignant en relations internationales, collaborateur à l'Université libre de Bruxelles, de l'Oman (UQAM Montréal) et de Save Belgium (Society Against Violent Extremism).
Liberté : Quelles leçons pourrions-nous tirer de cette élection américaine ?
Sébastien Boussois : Celle d'un âpre combat où rien n'était joué. Au moins le mérite de la démocratie. Mais si Joe Biden vient d'être officiellement élu, il ne faut pas oublier que face à ses 74 millions de voix, il ne faudrait pas tourner au ridicule Donald Trump, comme c'est le cas des médias mainstream actuellement qui s'acharnent alors qu'il a tout de même récolté 70 millions de bulletins de vote. Je crois que c'est la fin de quatre longues années de violence, de surenchère, d'arrogance, d'affaiblissement du multilatéralisme et de guerres ouvertes au sein même de la société américaine.
En tant qu'Européen, je m'interroge toujours de la fascination que les élections américaines ont pour nous, alors que globalement l'Europe, pour exister et s'émanciper en termes de sécurité de la tutelle américaine, doit prendre le large. Nous sommes globalement anti-américains et l'atlantisme est souvent un gros mot. Reste que les USA sont toujours la première puissance mondiale et que leur vision est unique : pro-Trump ou pro-Biden, les Américains savent qu'ils ont été choisis par Dieu pour sauver ou à tout le moins protéger le monde. Je ne sais pas si c'est une garantie pour nous mais cela prouve aussi que d'un côté ou de l'autre du camp, les Américains, comme n'importe quelle nation, voient aussi leur propre intérêt avant tout. Cette campagne finie, espérons que l'Amérique trouve un juste milieu entre rejeter le monde qui est, et vivre un peu plus en harmonie avec le reste de la planète tout en défendant ses intérêts. Je resterai enfin vigilant sur ce que le mouvement Trump a dessiné, qui est loin à mon avis de disparaître déjà au sein des USA, mais au-delà : si nous avons tous ses dirigeants populistes décomplexés de par le monde, c'est un peu aussi parce que Trump a ouvert la voie. Et cela répond manifestement à un besoin croissant des "gens" en "démocratie".
Dans ce contexte de pandémie et avec le passif laissé par Donald Trump (divisions, haine, etc.), Biden a-t-il vraiment les capacités nécessaires pour redresser un pays comme les Etats-Unis ?
Je ne sais pas. Nous aimons les paters rassurants qui ne font pas de vague mais qui imposent l'autorité par leur propre personne. Biden peut être capable de cela, mais il ne sera pas seul aux affaires et je ne le sens pas forcément capable en l'état d'assumer toute la charge que représente celui de président de la première puissance mondiale.
Il faudra beaucoup regarder Kamala Harris car la révolution c'est elle ; ses origines, son parcours, l'espoir qu'elle suscite dans la tête de millions de petites filles, et le rééquilibrage au sein de la société entre les différentes tendances identitaires qui s'affrontent depuis des années. Elle pourrait se présenter comme celle qui réunit sur le terrain et au sein même de la société américaine pendant que Joe Biden gère l'international, à mon avis moins coûteux en termes d'investissement et d'énergie quotidienne. Il faudra réfléchir à l'après Covid-19 et aux 250 000 morts.
On ne peut pas passer sous silence la gestion catastrophique de Trump en la matière et il faudra peut-être pour le bien et le deuil de millions d'Américains, aller au bout d'enquêtes judiciaires sur ce qui s'est passé et sur le comportement totalement suicidaire de Donald Trump sur le sujet.
En matière de politique étrangère, Joe Biden est attendu sur plusieurs dossiers, notamment au Moyen-Orient (Iran, Palestine, Syrie et Yémen) et avec l'ennemi de toujours la Russie. Qu'est-ce qui va changer avec Biden ?
C'est là le cœur de son rôle : réinvestir le multilatéralisme et dire clairement au monde ce que les USA souhaitent ; faire la concurrence aux grands pays émergents qui n'adhèrent pas au multilatéralisme, ou redevenir le garant numéro un du droit international.
La décision de réintégrer l'accord de Paris annoncée par Biden est en soi un premier signe positif. Concernant les relations avec certains pays, il y a urgence à redynamiser la relation avec l'Iran, soit par le retour du JCPOA (accord sur le nucléaire iranien signé en 2015 à Vienne, ndlr), auquel Biden avec Obama a largement contribué, soit par le retour d'autres négociations dans un cadre onusien, mais la radicalisation des camps sunnite et chiite attisée par Trump n'a rien de bon pour le Moyen-Orient et pour les autres. Il est impératif de gérer la relation à la Chine maltraitée par Trump pendant quatre ans, et réfléchir à la dynamique avec la Russie dont on a peu parlé cette fois ci pendant la campagne.
Tout tourne aussi autour du fait de savoir si Biden va pousser à un réengagement américain sur différents terrains de conflits, dont ne veulent pas forcément une grande partie des Américains, alors que Trump avait ramené une partie des GI's à la maison. Que dire enfin des relations hasardeuses et "open bar" de Trump avec l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis notamment qui ont essayé depuis 2011 de redécouper la région à leur guise en y plaçant leurs pions ou en y menant des guerres sans fin ? Je ne suis pas sûr que l'Oncle américain ait encore tout le poids d'avant dans des crises ou des guerres où les puissances régionales, notamment arabe, turque et russe se sont largement investies. Entendez Libye, Syrie, Yémen, Haut Karabakh notamment.
Ceci sans oublier la nécessité de régler au plus vite la question de la crise dans le Golfe et en particulier, d'un côté, le blocus contre le Qatar et de l'autre côté l'Arabie Saoudite, l'Egypte, Bahreïn et les émirats, et tenter de ressusciter le Conseil de coopération du Golfe. Concernant le conflit israélo-palestinien, Netanyahou risque d'être mis en difficulté, même si sur le terrain plus rien ne peut changer, que ce soit avec Biden ou Trump. Je ne crois plus en l'Etat palestinien et le retrait israélien des territoires occupés, hélas.
Au mieux Biden pourra-t-il freiner Israël, mais la relation Israël-USA reste inconditionnelle. Ce que peut faire Biden, par contre, c'est refinancer l'Unrwa (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine) et continuer à soutenir financièrement une occupation moins douloureuse.
Dans leurs relations politico-commerciales avec leur rival direct chinois, les Etats-Unis sous la présidence Biden joueront-ils l'apaisement ?
Avec la pandémie, la Chine a marqué des points considérables dans sa quête vers le rang de première puissance mondiale. Pendant que nous sommes toujours empêtrés dans la pandémie, Pékin pavane. Je crois qu'au-delà des rivalités commerciales attisées par Trump, la question de la responsabilité de la Chine dans la propagation de la Covid-19 dans le monde devra être posée à mon avis en premier par les USA. L'UE peut faire ses propres démarches juridiques mais ce sont les USA encore les plus à même de peser directement et via le jeu du multilatéralisme.
C'est à mon avis l'urgence avant qu'il ne soit trop tard. Le premier chantier à venir devra être donc celui de mettre en place une coalition américaine d'urgence avec le Canada, l'Union européenne, l'Australie et le Japon, pour demander juridiquement des comptes à Pékin. C'est peut-être hélas maintenant la dernière opportunité stratégique d'amener Pékin à se comporter enfin correctement, sous forte pression de la communauté internationale, avant que sa domination revancharde ne devienne inéluctable.
Nous risquons gros si nous ne le faisons pas maintenant car la politique officielle chinoise sous Xi Jinping c'est non seulement la quête de leadership technologique, mais c'est surtout désormais l'exportation de son modèle libéral dans le monde entier qui pourrait alors se présenter comme une alternative idéale à notre modèle de démocratie libéral actuellement en péril. Qui en Europe pourrait en rêver ?

Entretien réalisé par : Lyès MENACER


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