Le principal enseignement de ce “marathon d'explication” est l'absence de tout débat. L'opposition, elle, n'a pas eu voix au chapitre. Pour les uns, elle vise à “enterrer” dans les urnes la tragédie de la dernière décennie ou la “sale guerre”, selon un schisme consacré. Pour d'autres, elle prépare le “lit” à un troisième mandat avec des prérogatives “monarchiques” à Abdelaziz Bouteflika : jamais, sans doute, une campagne pour un référendum n'a suscité autant d'appréhensions, d'interrogations, de suspicion, ou une certaine apparente indifférence des citoyens le dispute au forcing, à la limite du folklore, des partisans de la cour, que celle menée pour la charte dite “pour la paix et la réconciliation nationale” dont le scrutin est prévu dans deux jours. Une campagne où l'opposition, fait paradoxal dans un pays où l'on se gargarise de la pratique démocratique, n'a pas voix au chapitre. Une campagne, enfin, où le débat contradictoire a été banni. Pourtant, lorsque le président de la République annonça, le 14 août dernier, la tenue du référendum, beaucoup espéraient, même sans trop d'illusions, quelques regains de “fébrilité” sur la scène politique. Pour au moins deux raisons : d'abord, que le projet portait sur une période qui a déchiré les ressorts de la nation. Ensuite, il préfigure de son avenir. Enjeu qui appelle, convenons-en, un large débat, la transparence et l'association de tous les acteurs économiques, sociaux et politiques du pays. Mais c'était compter sans la volonté des promoteurs du projet d'opérer le forcing nécessaire, l'important étant d'avoir le plébiscite populaire. Outre l'absence de vulgarisation de la charte, au demeurant floue, où même les juristes y perdraient leur latin, la campagne s'est caractérisée par un monopole des “partisans” du “oui” de tous les espaces publics. Premier à entrer en scène, Abdelaziz Bouteflika s'évertue à expliquer le contenu de son projet. Pour ses meetings, pâle copie d'une époque que l'on croyait révolue, des citoyens sont “déplacés” au frais du Trésor. Des transporteurs, comme certains travailleurs sont sommés, à chaque rendez-vous, de rejoindre le lieu du meeting, sous peine de représailles. Réduits à une simple caisse de résonance pour les forts du moment, les médias publics, en premier chef “l'Unique”, conjuguent leurs programmes “à la sauce de la réconciliation et de la paix”. Des spots à longueur de journée, des chants patriotiques, des tables rondes où ne sont admis que les “spécialistes maison”, meublent le quotidien des Algériens. Parallèlement, les partis de la coalition gouvernementale, joints pour la circonstance par le PT de Louisa Hanoune, du MRN de Abdallah Djaballah, pour ne citer que ces deux partis, sans doute pour d'éventuels dividendes politiques, sillonnent le pays pour prêcher la bonne “cause”. Des activités, comme cette rencontre entre une famille de terroristes et une famille de victimes, ou encore ce match entre les repentis et la police, sont donnés en exemple pour susciter l'adhésion populaire. Bref, tous les moyens sont mobilisés et les ingrédients mis en place pour provoquer le rush le jour du scrutin. Il faut dire que le taux de participation constitue le principal enjeu du référendum. Et quelle place pour ceux qui refusent de se fondre dans l'unanimisme ? Rien ou presque. Hormis quelques entrefilets dans la presse privée, les partis à l'image du MDS, du RCD ou du FFS ou encore les associations des victimes du terrorisme restent interdits d'antenne. Lorsqu'ils ne sont pas “pourchassés”, comme ces militants du MDS, ils sont jetés aux orties. “Ils sont contre la paix !” a t-on décrété. Une dérive sémantique qui rappelle à s'y méprendre celle du parti dissous, lequel affublait ceux qui ne votaient pas pour lui d'être contre l'Islam. Mais l'image la plus saisissante de cette campagne reste, sans nul doute, celle montrant un Madani Mezrag, un ancien “émir” de l'AIS, ayant droit à tous les égards tandis que la mouvance démocratique et républicaine, celle qui a été à l'avant-garde de la résistance, est frappée d'ostracisme. Les temps ont manifestement changé. Et comme de coutume, le 30 septembre prochain, au matin, et sans l'ombre d'un soupçon, on louera “le caractère ouvert et démocratique” de la campagne et la “leçon de démocratie” prodigués par le peuple algérien au monde. Désormais la “paix” et la “réconciliation” entre les Algériens sont consacrées dans l'urne… KARIM KEBIR