Le président du Comité national des libertés syndicales (CNLS), Tahar Besbès, accuse le ministre du Travail, Tayeb Louh, d'“être un pourvoyeur de fonds des dissidences des syndicats autonomes”. Dans une conférence de presse qu'il a animée hier au siège du SNPSP à Alger pour rendre public le pacte économique et social alternatif proposé par le CNLS, le Dr Besbès a dévoilé que “le ministère du Travail a versé 180 millions de centimes à la dissidence du Snapap”. Plus précis, l'intervenant expliquera que cette somme d'argent a été versée “sur un compte qui n'est pas celui du Snapap dans le but de booster la dissidence de ce syndicat”. Besbès, qui se dit “disposé à répondre en cas d'attaque en diffamation”, révèle détenir “des documents” confirmant ses dires. Ce n'est, par ailleurs, pas la première fois que le ministère du Travail s'ingère dans les affaires internes des syndicats autonomes : “Beaucoup de syndicats sont passés par là”, dira l'intervenant citant à titre exemple le cas du SNTE. Brandissant une correspondance adressée par le ministère du Travail au SNTE, le Dr Besbès note qu'elle “fait référence à une décision judiciaire datée du 6 décembre 2003 enlevant la légitimité à l'actuel président du SNTE et reconnaissant en même temps l'aile dissidente du syndicat qui a tenu son congrès six mois avant la décision de justice”. “Il faut vraiment être nul administrativement parlant pour émettre un tel document au nom de la République”, commentera à ce propos Besbès. Dans ce même ordre d'idées, l'orateur expliquera que le ministère du Travail a poursuivi en justice le SNTE tout en se constituant partie civile aux côtés de la dissidence de ce syndicat “dans l'objectif d'influencer la justice arguant que le ministère du Travail constitue la tutelle des syndicats”, dit-il. “On dénie le droit au ministère du Travail de se placer en tutelle des syndicats autonomes.” “Le ministère du Travail est une institution de la République qui a un rôle à jouer, nous lui demandons simplement de respecter les lois de la République et de ne pas se transformer en laboratoire de fabrication des dissidences.” Pour Besbès, l'attitude du ministère du Travail vis-à-vis des syndicats autonomes “n'est pas une affaire personnelle, il y a une feuille de route datée de novembre 2004 où le Chef du gouvernement a annoncé son intention d'ester en justice les syndicats autonomes”, expliquera l'intervenant qui ne manquera pas de noter “l'excès de zèle du ministère du Travail”. Rachid Malaoui, le président du Snapap, présent à la conférence tout autant que les représentants du Snommar, du SNTE et du Cnapest, a expliqué de son côté que le président du Bureau international du travail (BIT) lui a indiqué que “le BIT ne reconnaît pas les dissidences, c'est la base et non l'administration qui élit les directions”. Répondant en outre au refus du gouvernement d'agréer les syndicats autonomes sous prétexte qu'ils contiennent des militants islamistes, Besbès martèlera que “les islamistes se trouvent au Cla, au Cnapest, au Snapap, au SNTE, au SNPSP et même au gouvernement”. “Pourquoi n'a-t-on pas reproché à l'UGTA d'avoir des cadres syndicaux militants d'autres partis ?” dit-il tout en martelant que “nous n'admettrons pas qu'un syndicaliste, islamiste soit-il, soit suspendu”. Evoquant également la situation sociale actuelle, le président du CNLS n'a pas manqué de prévenir contre les risques d'une véritable explosion sociale : “Il y a les ingrédients d'une explosion sociale imminente”, dit-il tout en s'interrogeant “qui pourra arrêter la contestation chez des travailleurs réprimés, suspendus et qui ne perçoivent même pas de salaire”. Abondant dans ce sens, Rachid Malaoui illustrera la détresse des travailleurs en ce sens : “Une cinquantaine de syndicalistes ont déposé des dossiers de réfugiés politiques à l'étranger pour cause de répression, en plus de 136 syndicalistes du Snapap suspendus”. Abordant la question du pacte économique et social alternatif, le président du CNLS qui, tout en se disant non “concerné par cette initiative n'engageant que ses signataires”, martèlera que la signature du pacte devra s'accompagner par une augmentation salariale : “On ne peut pas aller vers un pacte social sans augmentation salariale. Mais on ne peut pas être populiste en disant qu'il fait tel salaire mais, il faut plutôt une véritable politique salariale.” NADIA MELLAL