Le maître de “La citadelle” revient cette semaine avec “Douar N'ssa”, un film sur le terrorisme, loin de laisser entrevoir le talent de ce cinéaste. Ce film a donné, ce lundi, le coup d'envoi de la saison du cinéma algérien en Belgique. Le film aborde, entre autres, les conséquences du terrorisme sur l'évolution de la société algérienne. Une thématique revient de manière forte dans le film : il s'agit de la “dévirilisation” de la société algérienne sous l'effet de la peur et de l'affirmation de la femme comme élément important du salut du pays. Un retour sur le rôle de la femme dans la lutte antiterroriste, comme ce fut le cas au lendemain de l'indépendance. Le film peut se lire aisément comme une suite logique de Rachida, car comme dans le film de Yamina, Sabrina, (Sophia Nouacer), l'héroïne de Douar de femmes est accueillie dans un village, où elle se réfugie avec sa petite sœur, après la mort de ses parents. Un village où elle ne sera pas à l'abri de la folie meurtrière qu'elle a fuie et où elle va mener un combat contre ceux qui sèment la peur, la désolation et la mort. Douar de femmes raconte l'histoire d'une jeune femme, décidée à ne pas subir le même sort que ses parents égorgés ; elle s'affirme comme la cheftaine des femmes de son village d'accueil, délaissées par les maris partis à la recherche de travail. Mohamed Chouikh donne l'impression d'avoir fonctionné plus sur le mode de l'authenticité, même si elle est trop souvent caricaturée, sans pour autant délaisser la fiction. Il tente d'apporter des réponses aux questions des Algériens et prend position vis-à-vis des problèmes de la société. Mais, il ne s'est pas privé de laisser son imagination prendre la clef des champs. Cela déstabilise le spectateur connaissant la réalité du pays, le laissant face à des situations parfois invraisemblables, mais susceptibles de plaire aux spectateurs occidentaux qui verraient dans ce groupe de femmes des amazones farouches prêtes à défendre leur territoire comme des louves. L' histoire est truffée de clichés, tel le cheikh (Saïd Hilmi) à qui on confie la mission de veiller sur l'honneur du village. Le réalisateur qui reste fidèle à la culture locale, revient aussi avec cette notion du sage fou, qui comme dans Youcef où la légende du 7e dormant on retrouve une folle,(Linda Salem), une maman dont les enfants ont été tués par les terroriste. Le film de Chouikh laisse le spectateur à la fois perplexe et mitigé à la fois. Comme les critères de débutants ne doivent pas être appliqués à un maestro, il y a lieu de dire que Douar N'ssa laisse un goût d'inachevé. L'œuvre souffre de l'absence du coup de pinceau du maître de La Citadelle et surtout d'acteurs de haut niveau pour porter le film. Un casting très léger, où les acteurs sont peu convaincants et apportent peu au scénario qui aurait pu s'inscrire dans le registre du film thérapie. À force de vouloir trop en dire (situation de la femme, crimes d'honneur, terrorisme et souffrance psychologique des victimes, concorde civile loi de la rahma, histoire d'amour et malaise socioéconomique des habitants des petits douars), le film a perdu de sa profondeur au point de laisser le spectateur indifférent à la trame du film. Le retour, tant attendu, de Mohammed Chouikh sur la scène cinématographique nationale et internationale a étésemblable à celui d'un émigré qui revient d'exil au douar. Force est de constater que les valises du revenant se sont révélées moins chargées qu'on ne l'espérait. Une œuvre artistique, au sens propre du terme, est celle qui arrive à transcender les multiples contraintes que lui impose l'environnement qui la voit naître. Sans cela, l'œuvre ne serait qu'un propos banal. Sur ce plan, Douar de femmes est idéologiquement aligné et aliéné. Evoquant pratiquement le même drame qu'est la guerre civile, les Libanais, présents à cette 20e édition du Fiff, ont proposé une belle réflexion cinématographique sur le drame des disparus intitulée A Perfect Day, des jeunes Joana Hadjithomas et Khalil Joreig. C'est l'histoire d'une maman et son fils ulcérés par la disparition du père et qui quinze années après l'enlèvement n'osent le déclarer mort. Un film dont la dimension psychologique est très bien portée à l'écran par les personnages principaux du film. T. H. et W. L.