Pour réussir leur coup commercial et surtout médiatique en Algérie, les producteurs de ces films “anti-algériens” n'hésitent pas à jouer avec les symboles forts du pays et à miser sur le marketing pour vendre leur produit. Le film devait s'intituler Bled zéro, mais le réalisateur a changé le titre sur les conseils des producteurs pour ne pas provoquer un incident entre la France et l'Algérie. Finalement, Bled Number One, de Rabah Ameur Zaïmeche, a été présenté mardi soir à Alger devant un public jeune et branché, et surtout en l'absence des responsables du monde de la culture et du cinéma à Alger. Ce fut une véritable douche froide pour les quelques spectateurs qui ont été leurrés par la belle affiche. Et pourtant, le film a failli ne pas être présenté en Algérie car, suite à la grande déception qu'a suscitée le film Barakat de Djamila Sahraoui, tous les films produits à l'étranger doivent désormais être visionnés par une commission du ministère de la Culture avant d'obtenir leur visa d'exploitation en Algérie. Finalement, Bled Number One a passé, non sans difficulté, ce cap difficile du ministère de la Culture. On est donc loin de ce temps où les réalisateurs algériens étaient les plus grands défenseurs des idéaux de leurs pays. On est loin de ces films de Mohamed Lakhdar Hamina, comme Chronique des années de braise qui a obtenu la Palme d'or au festival de Cannes, en 1975, en dépit de son caractère anticolonial. On est loin de ce temps où le cinéma algérien était le porte-voix du cinéma en voie de développement, à l'image d'Omar gatlato, de Merzak Allouache, ou encore de Nahla, de Farouk Beloufa, qui fut le premier cinéaste à mettre en image la guerre civile au Liban, avant les cinéastes libanais eux-mêmes. On est encore loin où Ahmed Rachedi, cinéaste “local”, donnait une leçon de cinéma à quelques cinéastes de l'émigration, avec son film Ali au pays des mirages. Aujourd'hui, les cinéastes algériens ont perdu leurs repères identitaires et laissé leur nationalisme au placard contre une carte de résidence, un exil argenté, une subvention du CNC ou une aide du Fonds du Sud. Depuis quelques années, plusieurs réalisateurs algériens, locaux ou encore établis en France, ne cessent de faire des films anti-algériens, exploitant les thèmes de prédilection de la décennie noire : le “qui-tue-qui” dans l'Autre monde, de Merzak Allouache, du terrorisme aveugle dans Barakat, de Djamila Sahraoui, de l'absence de liberté et de la montée des intégristes dans les Suspects, de Kamel Dehane, ou de l'assassinat des journalistes dans les Diseurs de vérité, de Karim Tradia, réalisé en Hollande, mais jamais diffusé en Algérie. Le tout dans un pamphlet “magnifique” contre la société algérienne, le pouvoir et les gouvernants en place. Contrairement aux voisins marocains et tunisiens, ou même iraniens, ces cinéastes montrent dans leurs films une société rigoriste et belliqueuse, hostile à la modernité et au développement. Un pays renfermé et pas accueillant. Mais ce qui fait le plus mal aux Algériens, ce sont ces films qui donnent une image réductrice et déformée de la société algérienne, à l'image du très controversé Viva Laldjérie, dont le titre n'a rien à voir avec la problématique du scénario ou avec la trame incohérente de l'histoire. Et pour réussir leur coup commercial et surtout médiatique en Algérie, les producteurs de ces films anti-algériens n'hésitent pas à jouer avec les symboles forts du pays et à miser sur le marketing pour vendre leur produit. La devise des stades “One, two, three, viva l'Algérie” dans le film de Nadir Moknache, le drapeau de l'Algérie avec une femme en hidjab sur l'affiche du film l'Autre monde, ou encore mettre carrément la carte de l'Algérie sur l'affiche du film comme c'est le cas dans Bled Number One, de Rabah Ameur Zaïmèche. D'autres adoptent une approche purement sociale en présentant une vision caricaturale du malaise des jeunes Algériens, à l'image de Bab el web, de Merzak Allouache, le Harem de Mme Osmane, de Nadir Moknache, et surtout Viva Laldjérie qui montre une jeunesse laissée à l'abandon, sans repères et surtout sans perspectives d'avenir. Et curieusement, ces films qui “tirent à boulets rouges” sur l'Algérie sont financés en partie par… leur pays, l'Algérie. Ainsi, des films comme Viva Laldjérie, Barakat, l'Autre monde, les Suspects ou encore le Thé d'Ania, véritable fiasco de Saïd Ould Khalifa, ont bénéficié de l'argent de l'Année de l'Algérie en France en 2003. Une erreur de jugement que corrigera le ministère de la Culture avec Alger, capitale culturelle du monde arabe 2007, puisque aucun de ces réalisateurs ne sera accepté par la commission de lecture dirigée par Lamine Merbah, considéré comme un véritable conservateur des valeurs algériennes. Seule la télévision algérienne aidera par “principe culturel” ces films desquels, en revanche, elle n'exigera pas une diffusion exclusive à l'antenne. Pour cela, certains cinéastes, plus malins, utiliserons la satire et la comédie pour contourner la censure et surtout la critique. C'est le cas, notamment, de Mohamed Zemmouri, toujours aussi acerbe contre le pays mais qui réussit un tour de passe-passe avec Beur blanc rouge, ou encore celui de Djamel Bensalah avec Il était une fois dans l'oued, qui a le plus montré la beauté du Maroc que la splendeur de l'Algérie. Au-delà des thèmes abordés, ces films ne sont pas des références en matière de cinéma et, pis encore, ils sont techniquement et artistiquement des navets. Leur succès dans certains festivals de seconde zone n'est que la conséquence de la vision qu'il offre de l'Algérie. Récemment, une ONG américaine, qui souhaitait présenter des films algériens dans le cadre d'un échange américano-arabe, avait demandé à un responsable algérien : y avait-il un film positif sur l'Algérie ? Ce dernier a répondu que tous les films qui ont été réalisés, ces dernières années, étaient négatifs. On est donc loin de cette célèbre citation : “Ce n'est pas l'Amérique qui a fait Hollywood, mais c'est Hollywood qui a fait l'Amérique.” Et la mascarade continue puisque le dernier film de Moknache, Delice Paloma, mettant en vedette une icône populaire, en l'occurrence Biyouna, qui représentera l'Algérie au prochain festival de Cannes 2007, risque de provoquer un scandale en Algérie avec ses dialogues et ses scènes osés. AMIN REDA