À la veille de la célébration du dixième anniversaire de la "révolution de jasmin", qui coïncide avec le 17 décembre, la Tunisie est au bord du gouffre social et économique, une situation aggravée par la pandémie de coronavirus que le gouvernement a du mal à stopper. La Tunisie est secouée par une vague de protestations et de grèves depuis quelques semaines, en signe de colère contre la situation économique que vit ce pays et contre les autorités en place qui n'ont pas tenu leurs engagements en matière d'augmentation des salaires, ayant fait l'objet d'un accord. À Gafsa, les habitants de cette région agricole par excellence ont observé plusieurs mouvements de protestation, dont le dernier en date remonte à lundi. À l'appel de l'UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens) et de l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche, une grève générale a été observée lundi, en réaction aux décisions du gouvernement liées au secteur agricole en Tunisie et qu'ils contestent. Des ingénieurs relevant de la fonction publique observent aussi un mouvement de grève de trois jours depuis lundi, pour exiger l'application d'un accord sur les salaires datant du 5 septembre 2019. Cette grève est accompagnée par un rassemblement devant le palais de la Kasbah, où siège le gouvernement de Hichem Mechichi, qui a hérité d'une situation socioéconomique chaotique, le contraignant à présenter au Parlement un projet de rallonge budgétaire pour finir l'année en cours. La colère liée à la stagnation des salaires des fonctionnaires depuis 2011 touche aussi le corps des professeurs de l'université et des médecins qui exigent par ailleurs un meilleur statut. Mais c'est surtout à l'intérieur du pays, où la situation ne cesse de provoquer blocage des sites industriels et émeutes nocturnes depuis plusieurs mois, comme c'est le cas dans le gouvernorat de Kasserine, en proie à un mouvement de protestation quasi permanent de sa jeunesse qui accuse le gouvernement de marginalisation. En effet, des dizaines de jeunes ont carrément fermé la semaine dernière la vanne de pompage du pétrole de Douled, dans le gouvernorat de Kasserine, provoquant un arrêt de la production. Cette action est venue suite à une série de sit-in des habitants de la région devant ce site de production pour réclamer des emplois et un meilleur développement de leur région. Face au silence des autorités centrales à ce cri de détresse, les protestataires ne comptent pas s'arrêter là, ont rapporté les médias tunisiens, alors qu'au sommet de l'Etat, le président tunisien Kaïes Saïed semble complètement désarmé, surtout que Tunis vit sous la pression des prêts contractés auprès du Fonds monétaire international (FMI), conditionnés par de profondes réformes dans le pays. Dans une Tunisie dont la principale source de revenus est le tourisme, la pandémie de coronavirus a mis à rude épreuve le secteur hôtelier qui employait avant la "révolution de jasmin" plus de 400 000 personnes. Hier, les propriétaires des cafés ont lancé eux aussi un signal d'alarme sur la crise qui touche leur activité. Le Chambre syndicale des propriétaires des cafés a demandé hier en effet l'adoption de l'horaire de fermeture de ces établissements à celui du couvre-feu qui commence à 20h. Sur le plan politique, le parti majoritaire au Parlement tunisien, Ennahdha, a lancé un appel pour le lancement d'un dialogue national au sujet des questions sociales, économiques et politiques, estimant que la situation l'exige de toute urgence. Pour sa part, M. Saïed a reçu lundi le secrétaire général de l'UGTT, Noureddine Taboubi, pour échanger sur la "situation générale du pays, en particulier la situation économique et sociale, ainsi que sur un certain nombre de problèmes immédiats dans plusieurs régions de la République", a indiqué la présidence tunisienne dans un communiqué. Lyès Menacer