Le Premier ministre soudanais, Abdallah Hamdok, a renouvelé ses critiques envers l'armée et les services de sécurité, jugeant "inacceptable" leur poids prépondérant depuis des années dans l'économie du pays. Les militaires et les meneurs de la contestation populaire qui a défait en avril 2019 l'autocrate Omar al-Bachir ont conclu en août 2019 un accord historique pour un transfert progressif du pouvoir aux civils. Mais ces derniers mois, les relations entre le gouvernement, géré par des civils, et les militaires se sont détériorées. "Chaque armée dans le monde investit dans les entreprises de défense, mais il est inacceptable que l'armée et ou les services de sécurité le fassent dans les (autres) secteurs productifs, et entrent ainsi en compétition avec le secteur privé", a dit M. Hamdok, lundi soir, lors d'une conférence de presse après le retrait du Soudan par Washington de la liste noire des pays soutenant le terrorisme. Il était interrogé sur une loi adoptée le 8 décembre par le Congrès américain concernant "la transition démocratique au Soudan, la responsabilité (financière) et la transparence". Ce texte stipule qu'"un contrôle civil doit être établi sur les finances et les actifs appartenant aux forces de sécurité", ce qui inclut l'armée. Il souligne également la nécessité de "transférer tout l'actionnariat de ces compagnies au ministère des Finances ou tout autre entité rendant des comptes au pouvoir civil". Selon la presse locale, l'armée et les services de sécurité contrôlent 250 sociétés dans des domaines vitaux, tels que l'or, la gomme arabique, l'exportation de viande, la farine ou le sésame. Ces entreprises sont exemptes d'impôts sur les bénéfices et opèrent dans une totale opacité, selon la presse, alors que le pays est plongé dans un marasme économique. Le chef du Conseil de souveraineté, la plus haute instance exécutive du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, également chef de l'armée, refuse de transférer ces sociétés au gouvernement, se disant seulement prêt à ce qu'elles paient des impôts. Cet été, M. Hamdok avait déploré que "seulement 18% des ressources de l'Etat sont aux mains du gouvernement". Il s'était alors donné comme "priorité" la restitution au gouvernement des entreprises appartenant aux secteurs militaire et sécuritaire.