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Sortir de l'archaïsme bancaire
Perspectives de développement de la FINTECH en Algérie
Publié dans Liberté le 20 - 12 - 2020


Par : RACHID SEKAK
Expert international en finances
"Un secteur bancaire et financier caractérisé par des infrastructures technologiques vétustes, des systèmes de paiement sous-développés et par une quasi-inexistence des paiements électroniques (mobile et internet Banking) devra impérativement se moderniser et se réformer. L'amélioration et la modernisation des services financiers seront un élément de toute réforme bancaire et financière, et celle-ci passera obligatoirement par la dématérialisation de ces services."
La FinTech, entendue comme la "technologie financière" par des start-up innovantes orientées vers l'amélioration des services financiers, est un territoire complètement inexploité en Algérie. Mais certaines "prémices" d'un possible décollage sont bien présentes.
Une conviction : un secteur bancaire et financier caractérisé par des infrastructures technologiques vétustes, des systèmes de paiement sous-développés et par une quasi-inexistence des paiements électroniques (mobile et internet Banking) devra impérativement se moderniser et se réformer. L'amélioration et la modernisation des services financiers seront un élément de toute réforme bancaire et financière, et celle-ci passera obligatoirement par la dématérialisation de ces services. La technologie numérique ou le digital, entendus comme la combinaison intelligente de l'informatique, des télécommunications et d'internet, seront au cœur de la modernisation du secteur bancaire et financier. Le numérique pourra être un outil efficient d'inclusion financière en permettant un accès plus convivial et simple aux services bancaires et financiers de base aux populations non bancarisées. Cela pourra aussi être un outil de réduction de la "désinclusion financière". Certes, la proportion de monnaie fiduciaire dans la masse monétaire (M2) est élevée à 29,50%. Ce qui représente 24% du PIB. Cela ne relève pas uniquement de l'économie informelle. Une large part de sa résorption passe par les paiements électroniques fluides et conviviaux. La pratique répandue, à savoir paie virée le 25 du mois sur un compte bancaire ou sur un compte CCP et retrait de la totalité de celle-ci le jour même ou le lendemain..., doit disparaître.
Plusieurs éléments positifs émergent du contexte. La forte pénétration des smartphones pourrait nourrir l'essor des services financiers dématérialisés et de "l'argent mobile". On observe aussi plus de 37 millions d'abonnés à internet mobile et plus de 3,5 millions d'abonnés à internet fixe. Un niveau encore faible, mais en hausse sensible de "transactions électroniques".
● Pour le e-paiement, les transactions en ligne sur les 63 sites marchands autorisés par le GIE monétique s'élevaient en 2019 à 202 480 pour un montant global de 504 millions de dinars. Sur les 10 premiers mois de 2020, on dénombrait 486 116 transactions pour un montant global de 4 milliards de
dinars.
● Pour les transactions au travers de TPE, on relève 274 624 opérations en 2019 pour un montant global de 1,9 milliard de dinars. Pour les 10 premiers mois de 2020, on relève 469 000 transactions pour un montant global de plus de 3 milliards de dinars.
Très clairement, la pandémie de Covid-19 est venue renforcer l'utilité et l'urgence du recours à des outils financiers sans contact et peu coûteux. Plus de 5,7 millions de cartes Edahabia pour le compte d'Algérie Poste et plus de 5 millions de cartes interbancaires CIB sont en circulation et en interopérabilité. Cela est un "terreau fertile" pour les paiements en ligne.
Les plateformes de commerce électronique font preuve d'un dynamisme fort et d'une progression constante et ce, malgré les contraintes actuelles associées aux paiements en ligne. Relevons la présence de Jumia, de Batolis, de Temtem One et de Yassir Market.
32 347 TPE sont en exploitation, mais très faiblement utilisés. Avec la signature par la Satim d'un contrat avec l'entreprise de logiciels bancaires BPC (russe domiciliée en Suisse), une plateforme de paiement mobile est annoncée opérationnelle dans les prochains mois. Le gouvernement affiche une volonté forte de développer un écosystème favorable aux start-up au travers, notamment, des incitations fiscales et parafiscales, la simplification de la réglementation et la création d'un fonds spécialisé dans le financement dédié à ces start-up et doté d'un capital de 1 milliard de dinars.
L'existence d'un numéro d'identification unique est aussi une bonne base pour le développement des systèmes d'identification numérique. L'expérience de Ninvesti, première plateforme de financement participatif, sera suivie avec une grande attention... Il est toujours compliqué chez nous "d'essuyer les plâtres bureaucratiques". Mais des leviers d'amélioration nécessitent une prise en charge.
Malgré les améliorations sensibles déjà observées, plus de pragmatisme et de flexibilité au niveau réglementaire seraient souhaitables pour ne pas tuer l'innovation dans l'œuf. La réglementation devant se concentrer sur deux objectifs :
● Créer les conditions nécessaires à l'émergence des nouveaux services financiers.
● Veiller à leur fonctionnement sain et au contrôle des risques qui en découlent.
Avec de tels objectifs, un choc culturel s'impose ! Nos instances de régulation devront évoluer et modifier leur approche : innovons, créons les nouveaux produits et ensuite seulement légiférons et réglementons... Si cela est nécessaire. Oublions cette culture du cahier des charges et des autorisations préalables à presque tout.
La connexion internet fixe et mobile est trop lente. Le renforcement des infrastructures mobiles haut débit est un "must".
Des FinTechs de qualité s'activent déjà sur le marché local. Relevons, notamment, Leadershoft, Beyn, Appmodus et Teletic, mais l'approfondissement et l'élargissement du secteur ne pourront venir que de trois éléments complémentaires :
● Une implication plus marquée du secteur privé dans le développement des start-up innovantes. Il est actuellement observé que l'ensemble des dispositifs prévus est de nature étatique et publique. Est-ce bien au secteur public de promouvoir le secteur privé ?
● Une vraie politique destinée à attirer et à tirer profit de notre diaspora qui regorge de talents et ce, au-delà des discours "tartes à la crème" classiques que nous entendons ici et là depuis des années.
● La mise en place d'incitations pour une installation locale effective en Algérie ou le renforcement de cette dernière, au-delà de relations commerciales pures, de certains grands leaders mondiaux dans la transformation digitale et les solutions de paiements intégrés comme : Sopra, Ingenico, Atos, Thales Digital Identity, Kepler Technologies, Fime ou HTS Experts Consulting.
Le Nearshoring concerne aussi notre pays et le développement de solutions technologiques et leur maintenance localement seront essentielles dans la durée à la "sustainabilité" de l'écosystème en création.
Le potentiel est important et touche aussi bien les banques que les compagnies d'assurances. Les secteurs porteurs, sans être exhaustifs, portent sur :
● Le développement des solutions Tech.
● La sécurisation des transactions en ligne.
● La digitalisation des produits financiers.
● Le e-paiement.
Les enjeux sont énormes... "Ne loupons pas une nouvelle fois le train", n'ayons pas peur des innovations disruptives. Le pays et son économie en ont grand besoin.


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