Moustapha Adib ne s'est pas étalé sur les raisons réelles de son désistement surprise mais les partis chiites au Liban, le mouvement du Hezebollah et son pendant Al Amal, sont en réalité au cœur du blocage de l'initiative française pour la formation d'un cabinet de mission. De rebondissements en rebondissements, le feuilleton politique libanais défraye la chronique, enfonçant un peu plus le pays dans une crise multidimensionnelle, alors que sur le front social, les signaux sont au rouge et l'explosion populaire n'est jamais très loin. Moins d'un mois après sa désignation au poste de Premier ministre, Moustaha Adib, chargé de mettre sur pied un gouvernement réformiste, renonce à sa mission "faute de consensus politique". "Je m'excuse de ne pas pouvoir poursuivre la tâche de former le gouvernement", a-t-il déclaré hier, lors d'un point de presse, présentant ses excuses aux Libanais pour son "incapacité" à réaliser leurs "aspirations à un gouvernement réformiste". L'ancien ambassadeur en Allemagne ne s'est pas étalé sur les raisons précises de son désistement surprise mais les partis chiites au Liban, en l'occurrence le mouvement du Hezebollah et son pendant Al Amal, sont en réalité au cœur du blocage de l'initiative française pour la formation d'un gouvernement de mission dans un délai de 15 jours, après le retrait de l'ancien Premier ministre Hassan Diab au lendemain des explosions au port de Beyrouth du 4 août dernier. M. Adib était appelé à former, conformément à l'initiative française visant à sortir le Liban de sa crise, un cabinet restreint de spécialistes indépendants. Le principal obstacle qu'il a rencontré dans ses tractations concernait le portefeuille des Finances, réclamé par le Hezbollah et le mouvement Amal. Ces deux formations ont exigé qu'une "personnalité chiite" soit propulsée à la tête de ce ministère régalien qui, selon le tandem chiite, doit être exclu du principe de rotation des portefeuilles défendu par M. Adib et soutenu par plusieurs parties dont les anciens Premiers ministres sunnites, avec à leur tête Saad Hariri, président du parti Le Courant du Futur. "Lorsque j'ai été désigné par une large majorité de députés (...), j'ai accepté cette mission en affirmant que je ne dépasserai pas un délai de deux semaines pour la formation d'un gouvernement restreint, de sauvetage, doté d'une mission de réforme précise basée sur les demandes des Libanais (...), à travers une équipe formée d'experts connus pour leur expérience, leur indépendance et leur non affiliation à des partis politiques. Des experts qui ne seraient pas nommés par ceux-ci", a rappelé M. Adib dans son allocution. "J'étais optimiste, étant donné que tous ces critères avaient été approuvés par les principaux groupes parlementaires qui s'étaient engagés dans ce sens devant le président français Emmanuel Macron, qui avait alors lancé une initiative de sauvetage du pays (...)", a ajouté M. Adib. "Mais lorsque le processus de formation du gouvernement a atteint ses étapes finales, il s'est avéré que l'accord sur la base duquel j'avais accepté cette mission nationale (...) ne tenait plus", a expliqué encore Adib sans nommer les parties à l'origine du blocage. L'initiative du président français a-t-elle dans ce cas échoué ? Michel Aoun, le président libanais, veut croire que non. Si ce dernier a accepté le renoncement de Moustapha Adib, il tient encore à l'initiative française qui si elle est mise en œuvre permettra à son pays d'espérer une aide internationale dont le Liban à cruellement besoin pour se reconstruire. "L'initiative lancée par le président français Emmanuel Macron est toujours en cours et bénéficie de tout mon soutien", a assuré M. Aoun en référence à la feuille de route mise en place par Paris pour la sortie de crise. Pari certes, mais pari difficile.