Le dinar a perdu plus de 40% de sa valeur durant ces cinq dernières années et sa parité devra continuer à chuter à raison de 5% par an, selon les projections officielles établies pour les trois prochaines années. La valeur du dinar a connu des ajustements importants ces dernières années. Pour faire face à l'effondrement des prix du pétrole à partir du deuxième semestre 2014, le taux de change du dinar a joué, dans une large mesure, un rôle d'amortisseur, en l'absence de consolidation budgétaire. L'évolution des cours de change du dinar vis-à-vis du dollar et de l'euro traduit aussi bien l'évolution des fondamentaux de l'économie nationale (prix du pétrole, différentiel d'inflation avec les pays partenaires commerciaux, niveau des dépenses publiques...), que celle des cours des monnaies des partenaires commerciaux de l'Algérie, notamment entre l'euro et le dollar, sur les marchés internationaux de change. Selon une évaluation de l'Union nationale des opérateurs de la pharmacie (Unop), la parité du dinar a connu une dépréciation de plus de 40% sur les cinq dernières années. Durant l'année en cours, le cours de change de la monnaie nationale contre le dollar, sur le marché officiel, est passé de 134,87 DA pour 1 dollar en juin passé à 137,39 DA pour 1 dollar au 13 décembre dernier. Par rapport à l'euro, le taux de change du dinar est passé de 151,76 DA à 166,06 DA pour 1 euro durant la même période. Compte tenu de la dégradation des principales variables macroéconomiques, notamment le déficit budgétaire et la balance de paiement, cette tendance à la dépréciation devra s'accentuer davantage à court et à moyen terme. La loi de finances 2021 prévoit un recul des cours de change du dinar contre le dollar américain, où la moyenne annuelle devra atteindre 142,20 DA pour 1 dollar en 2021, 149,31 DA pour 1 dollar en 2022 et 156,78 DA pour 1 dollar en 2023. La valeur de la monnaie d'un pays est le reflet de l'état de son économie. "On ne peut pas avoir un dinar fort sans une économie forte", avait répondu le ministre des Finances, Aymen Benabderrahmane, aux membres de la Commission des finances et du budget de l'APN qui l'interrogeaient récemment sur la baisse du dinar, lors de l'examen du projet de loi du règlement budgétaire de 2018. Le ministre a assuré que le programme de relance économique que le gouvernement compte "concrétiser à partir du mois de janvier, notamment à travers d'importants projets structurants, doit contribuer à relever le niveau de la monnaie nationale". Dans un entretien accordé à Liberté, Nour Meddahi, professeur d'économie et finances, a indiqué que le dinar est surévalué tant que le déficit externe est au-dessus de 3% du produit intérieur brut. Il estime qu'un dollar devrait valoir 175 DA. L'économiste plaide pour que l'ajustement soit lissé sur quinze à dix-huit mois. La dévaluation accroît les recettes de l'Etat Le Cercle d'action et de réflexion pour l'entreprise (Care) estime, de son côté, que "l'entêtement à garder le dinar surévalué, maintenant un pouvoir d'achat artificiel et subventionnant de fait les importations, nous mène à une impasse et à des réajustements plus douloureux lorsque nous serons contraints de les faire". En effet, le risque est d'avoir à procéder à une dévaluation brutale une fois les réserves de change épuisées. Naturellement, la dépréciation du dinar aura un impact à court terme sur le pouvoir d'achat. Tout le monde est impacté : les fonds en dinars détenus en banque ou en billets vaudront moins, les produits importés seront plus chers, de même que ceux produits localement. Mais pour le Care, cela est inéluctable, et retarder l'ajustement ne fera que rendre le choc plus brutal. Le think tank soutient que "la dévaluation est une solution potentielle à de nombreuses contraintes que vit actuellement l'économie algérienne". La dévaluation du dinar accroît sensiblement les recettes du budget de l'Etat. En prenant en compte les données figurant dans le projet de la LFC 2020, le Care estime que chaque pourcentage de dévaluation de la valeur du dinar procure au Trésor public l'équivalent de 43 milliards de dinars. Selon le think tank, une dévaluation de 25% de la valeur du dinar conduirait à des recettes supplémentaires de 1 075 milliards de dinars, soit l'équivalent de 54% du déficit budgétaire inscrit dans la loi de finances complémentaire pour l'année 2020. Pour autant, l'ajustement du taux de change ne doit pas constituer l'unique levier d'ajustement macroéconomique. "Pour être efficace, il doit accompagner la mise en œuvre effective d'autres mesures et politiques d'ajustement macroéconomique, notamment budgétaire, aux fins de rétablir durablement les équilibres macroéconomiques, et de réformes structurelles aux fins d'asseoir une diversification effective de l'économie et in fine une hausse de l'offre domestique de biens et services", avait souligné la Banque d'Algérie dans ses dernières notes de conjoncture. Le Care n'en pense pas moins. "Le taux de change du dinar aura été dévalué de plus de 50% depuis 2014 sans que cela ait contribué à mettre un terme au déficit de la balance des paiements ou à stimuler la croissance", constate le think tank. Aussi, soutient-il, une dévaluation n'aura de sens et ne sera efficace que si elle est franchement assumée comme le prélude à la mise en œuvre d'un programme de réformes substantielles de notre système économique.