Accusée de verrouiller le jeu politique au Mali, l'armée cherche à asseoir un contrôle total sur le processus de transition, en faisant taire ou isolant toutes les voix discordantes. L'ancien Premier ministre malien Boubou Cissé et six autres personnalités politiques et médiatiques ont été inculpés, jeudi, de tentative présumée de coup d'Etat contre les autorités de transition au Mali, ont affirmé leurs avocats. Dans un communiqué du parquet jeudi, les personnalités arrêtées sont mises en cause pour "complot contre le gouvernement, association de malfaiteurs, offense à la personne du chef de l'Etat et complicité", ont rapporté les agences de presse. Le parquet évoque des faits présumés "d'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat", des "indices graves et concordants" de l'existence d'une "entreprise criminelle" et des "actions de sabotage" contre des initiatives prises par les autorités de transition mises en place par les militaires après leur putsch du 18 août dernier contre l'ancien président Ibrahim Boubacar Keïta, dont M. Cissé était le Premier ministre. Ce dernier serait recherché par la justice, alors qu'il est censé être toujours dans la capitale malienne Bamako, où sa maison a été mise sens dessus-dessous à la recherche de preuves l'inculpant. En dehors de Boubou Cissé, la justice a écroué Mohamed Youssouf Bathily, dit Ras Bath, militant, polémiste et animateur radio aux nombreux sympathisants ; Vital Robert Diop, directeur général du Pari mutuel urbain (PMU, organisation de paris sur les courses de chevaux et de jeux de hasard) ; Aguibou Tall, un responsable d'une agence œuvrant à l'accès aux télécommunications, demi-frère de Boubou Cissé ; et deux hauts cadres du Trésor public (finances de l'Etat), Mamadou Koné et Souleymane Kansaye. Autre personnage dans le collimateur : Sékou Traoré, secrétaire général de la présidence de la République. Interpellé lui aussi, il avait été relâché, mais pas tiré d'affaire. Ces présumés faits et accusations ne sont pas pour rassurer des Maliens qui ne se font plus d'illusions sur la volonté de la junte, dirigée par le colonel Goïta Assimi, de céder le pouvoir si facilement, alors qu'ils s'y étaient engagés devant les membres de la communauté internationale qui a exigé le retour de l'ordre institutionnel à Bamako le plus vite possible. Pour les organisations de défense de la presse, cette série d'arrestations n'est rien d'autre qu'une opération d'"intimidation" de cette partie de l'opposition qui a refusé d'intégrer les institutions de transition, où l'armée siège en s'offrant la possibilité de se poser en maître du jeu. "Tous les inculpés sont des personnalités civiles sans aucun lien établi avec un militaire quelconque", a relevé d'ailleurs le collectif d'avocats, qui a dénoncé au passage les pratiques de la Direction générale des services de l'Etat (DGSE, services de renseignements maliens), envers tous les opposants au plan de sortie de crise managé par les militaires. Depuis quelques semaines, le processus de sortie de crise mené par la junte, derrière une présidence de transition officiellement civile de Bah N'Daw, est dénoncé par de nombreuses voix de l'opposition malienne et de la société civile, en raison de la mainmise des militaires sur le pouvoir de transition, en usant entre autres de méthodes pas politiquement correctes, alliant menaces et intimidations.