Présent à Namur pour présenter son dernier film “Douar de femmes”, Mohamed Chouikh est également chargé par ses collègues cinéastes du Maghreb pour la création de l'association des réalisateurs maghrébins. Dans cet entretien, il nous parle de son film et de ses projets. Liberté : Vous avez choisi de présenter le drame algérien sous une forme humoristique, pourquoi ce choix ? Mohamed Chouikh : L'idée du film est partie d'un fait divers, des hommes qui partent au champ et laissent leurs femmes toutes seules en leur donnant des armes pour se défendre, mais elles ne sont pas à l'aise avec ces armes, maladroites même. Il ne s'agit pas d'une résistance face au terrorisme mais face à tous les tabous et interdits. Vous voyez que les maris chargent le vieillard de veiller sur la vertu des femmes, c'est un conflit entre les traditions et la réalité. Un autre film sur la condition des femmes ! C'est vrai que j'avais fais des films sur la condition de la femme pour dire qu'elle est désarmée et qu'il faut qu'elle puisse s'armer afin de résister aux préjugés et aux tabous, et là pour “s'armer” on leur donne carrément des kalachnikovs. Et durant ces quelques jours, elles se rendent compte de leur force et prennent conscience de leur pouvoir à travers le maniement des armes. Mais la liberté n'est pas une question de rapport de force ou d'armes, c'est tout un travail qui doit se faire au niveau des mentalités. Le film, je le fais juste pour exorciser le mal que nous avons traversé par le biais de l'humour. Chaque fois qu'il y a une image forte, je “casse” sciemment pour passer au rire, car c'est plus facile pour un réalisateur de s'installer dans une scène, ses longueurs et son esthétique, mais là j'ai travaillé sur une réelle esthétique algérienne avec ses hauts et ses bas. n'avez-vous pas peur de caricaturer le drame algérien ? Ce n'est pas une caricature, car si on considère que c'en est une, alors c'est toute l'Algérie qui en est une. Je n'ai pris que ce qui est réel à travers un discours filmique propre. Le fait que vous revenez avec un film sur le terrorisme et une histoire de femmes peut prêter à équivoque avec Rachida… Douar de femmes n'a rien à voir avec Rachida, les personnages et les situations sont complètement différents. Quand Yamina a fait son film, on a directement cherché les similitudes avec mes films et s'il y a une influence de l'un sur l'autre, c'est celle d'un couple qui vit ensemble. Vous avez assisté dernièrement au festival de Locarno, où une fenêtre a été ouverte sur le cinéma maghrébin. Il est également question de création d'une association des cinéastes maghrébins… Oui, le projet de l'association, on y travaille avec nos amis marocains et tunisiens. On avait décidé de se structurer parce que ça fait un moment qu'on est un peu lésés par l'octroi de subventions au niveau du nord. Car, à chaque fois qu'il y a des aides, il y a toujours de faux prophètes qui viennent faire les intermédiaires. Donc, on essaye au niveau des institutions de contacter des gens. Et là, c'est la première fois que les cinéastes du Maghreb se sont mis d'accord et la rencontre aura lieu à Ouarzazate au Maroc. C'est une association qui va s'appuyer sur des associations nationales de cinéastes, producteurs, etc. Pour la création de l'association, il y a déjà 47 réalisateurs maghrébins qui ont signé et qui sont d'accord… j'ai été chargé par mes collègues de mettre en marche cette association. À peine Douar de femmes est sorti, on croit savoir que vous êtes déjà sur un autre projet... Tout a fait, je prépare un autre film L'Andalou, tiré d'un de mes romans qui va sortir bientôt, vers la fin de l'année. C'est un projet ambitieux avec beaucoup d'argent, des acteurs étrangers et des protagonistes en fonction de l'histoire. L'Andalou est tiré de faits historiques réels sauf que j'ai mis un lien conducteur, un petit garçon dont le père est kadi à malaga, puis à Grenade, et qui devient petit secrétaire confidentiel de la reine mère Aïcha. L'histoire consiste en l'effondrement des derniers royaumes andalous, suite à quoi ces deux personnages vont partir en exode. le jeune embarque sur un bateau de fortune et fait naufrage en Algérie. C'est l'itinéraire d'un andalou en Algérie. pour réaliser ce projet, j'ai cherché des producteurs à l'étranger, et c'est à ce moment que j'ai rencontré à saint-Sébastien les responsables culturels de l'Andalousie qui ont été emballés par le projet. J'ai également rencontré des producteurs de malaga, de Grenade… les marocains, eux, sont très intéressés et m'ont ouvert toutes les portes. Est-ce le financement qui a manqué sur Douar n'ssa ? Le film est une production nationale. Donc, je n'ai pas cherché de partenaires. J'ai eu l'aide de la télévision algérienne, qui aide beaucoup de films. J'ai eu également le fonds Sud ainsi que des aides de l'office des droits d'auteur. Sonatrach a, aussi, donné une petite subvention pour terminer le film. Je n'ai ni distributeur ni exploitant. je décide comme je veux pour mon film. Pour la sortie du film, on va essayer de faire une sortie simultanée après ramadan peut-être. W. L.