Les manifestations du week-end en Tunisie ont été menées par des jeunes âgés entre 15 et 25 ans, les mêmes qui tentent de fuir la misère sociale en tentant des traversées périlleuses vers l'Europe. La Tunisie a vécu dimanche une deuxième nuit de manifestations nocturnes, marquées par de nouvelles violences entre manifestants et forces de l'ordre, qui ont arrêté plus de 600 personnes, selon le ministère tunisien de l'Intérieur. Intervenues à l'occasion de la célébration du dixième anniversaire de la chute de l'ancien régime de Ben Ali, ces manifestations ont été marquées par des actes de vandalisme sur les commerces et bien publics de l'Etat, par certains individus, donnant du grain à moudre à une classe politique à la recherche d'une nouvelle légitimité et que la rue tunisienne accuse d'avoir échoué. Malgré l'ampleur de la crise socioéconomique que traverse le pays, les autorités pensent que les dernières manifestations s'apparentent à des actes de saccage et de pillage, sans aller jusqu'à dire que des parties sont derrière, car intervenant dans un contexte bien particulier. Le porte-parole du ministère de l'Intérieur Khaled Hayouni a fait état de 632 arrestations, évoquant des groupes de personnes entre 15 et 25 ans qui ont "brûlé des pneus et des poubelles afin d'entraver les mouvements des forces de sécurité" et en violation du couvre-feu nocturne que les autorités ont instauré pour lutter contre l'inquiétante propagation de la pandémie de coronavirus. "Cela n'a rien à voir avec les mouvements de revendication garantis par la loi et la Constitution", a néanmoins estimé M. Hayouni. "Les revendications se déroulent normalement le jour (...) et sans actes criminels", a-t-il ajouté dans une interview à la radio privée Mosaïque FM. Pourtant, la crise est là et la pandémie n'a fait qu'aggraver une situation sociale déjà chaotique et alimenter un mouvement de colère qui s'est inscrit dans la durée, notamment dans les zones reculées de l'intérieur du pays, où la détresse des gens est peu médiatisée, tandis qu'à Tunis la lutte politique se passe sur fond de divisions qui ne cessent de s'aggraver, affectant directement le fonctionnement de l'Etat et de ses institutions à tous les niveaux. Minée par les rivalités partisanes et idéologiques, la classe politique tunisienne est plus que jamais divisée. Ses divisions sont revenues sur le devant de la scène à l'occasion du remaniement décidé par le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, en fin de semaine dernière. L'homme de confiance du président Kaïes Saïed doit passer par l'Assemblée des représentants du peuple (ARP, Parlement) pour faire valider la liste de son Exécutif. Mais d'ores et déjà Ennahdha a annoncé la couleur, en rejetant ce changement du gouvernement si Mechichi n'écartait pas certains noms que le mouvement islamiste soupçonne de corruption, selon Yamina Zoghlami, une des dirigeantes d'Ennahdha, a rapporté Mosaïque FM. Les mesures de confinement ont quelque peu donné du répit aux politiques et au gouvernement, mais ce sursis risque d'être plus court que prévu.