La situation sécuritaire s'est dangereusement dégradée en Tunisie durant les 48 dernières heures. Ainsi, dans les faubourgs de la capitale, à la cité Ettadhamen (5 kilomètres de Tunis, sur la route de Bizerte), les protestations ont repris hier matin après une nuit chaude qui a vu le pillage d'une banque et de trois magasins d'électroménager. Hier, des manifestants ont barré, avec des pneus brûlés, la route principale reliant le centre commercial Géant à la cité Ettadhamen et El Mnihla. A Kasserine, les manifestants ont réessayé, hier-matin, une fois de plus d'occuper le siège du gouvernorat, en criant «Dégage !» contre le gouverneur. Mais l'unité de l'Armée nationale, présente sur les lieux, les a empêchés de pénétrer au gouvernorat. A Tajerouine, dans le gouvernorat du Kef, un poste de police a été incendié avant-hier et des magasins de la ville ont été saccagés. A Gabès, la nuit d'avant-hier a été marquée par de violents affrontements entre les manifestants et les forces de l'ordre. Les protestations se sont également poursuivies dans plusieurs délégations de Sidi Bouzid, Rgueb, Meknassi, Jelma et Bir Lahfay. Les manifestants, réclamant du travail et du développement, ont mis le feu à des pneus. Rechercher le chaos La dégradation rapide de la situation sécuritaire en Tunisie, qui vient de fêter le 5e anniversaire de sa révolution, a alerté les partis politiques du danger qui guette la transition démocratique et les institutions de l'Etat en général. Depuis hier, les propos politiques ont changé de ton, y compris ceux qui viennent de l'opposition. Adnene Mansar, le porte-parole du parti El Irada, de l'ex-président Moncef Marzouki, parle d'un congrès de «Salut national». Le Front populaire de Hamma Hammami appelle à faire des manifestations pacifiques et ne pas s'attaquer aux administrations ni aux forces de l'ordre. Le fait que les manifestations pour l'emploi se soient transformées en des actes de pillage a alerté les autorités et même la société civile et les partis politiques. Ainsi, le ministre de l'Intérieur, Hédi Majdoub, a affirmé que des informations sont parvenues au ministère concernant un plan pour semer la zizanie entre les citoyens et les forces de l'ordre et créer la gabegie. De son côté, le chargé de l'information de la Garde nationale, le colonel-major Khalifa Chibani a attiré hier l'attention sur le fait que ces personnes cagoulées qui incendient les biens publics et privés ainsi que des postes de sécurité n'ont rien à voir avec les mouvements de protestation pour le développement, le droit au travail et la dignité. «Ces personnes qui sortent cagoulées la nuit pour voler en usant d'armes blanches et qui incendient les postes de sécurité ne peuvent être que des ennemis de la Tunisie», a-t-il martelé, en annonçant l'arrestation de 16 personnes en flagrant délit de vol dans la Cité Ettadhamen la veille. Le secrétaire général adjoint de l'UGTT, Sami Tahri, est venu confirmer ces doutes de manipulations en déclarant que les actes de vandalisme commis dans plusieurs régions du pays sont l'œuvre d'intrus. Il se base sur les informations remontées par les bureaux régionaux et locaux de la centrale syndicale, qui rapportent que l'objectif de ces manœuvres serait de relâcher la pression sur les terroristes retranchés dans les montagnes. Sami Tahri confirme également l'existence de paiements destinés à financer le chaos et à le faire perdurer. Tensions politiques La Tunisie fait certes face depuis la chute de Ben Ali à une crise socio-économique qui se prolonge, sans qu'il y ait de véritables perspectives de solutions. Les politiques n'ont fait que se renvoyer la balle sur les manipulations des uns et des autres pour occuper le devant de la scène. Il n'empêche que les manifestations populaires ont scellé l'échec de tout le processus de transition socioéconomique et rendu très urgent de faire un bilan. Dans ce sens, le secrétaire général de l'UGTT, Hassine Abassi, a dénoncé le dernier remaniement ministériel du gouvernement Habib Essid, qui a été mis en place, selon lui, sous la pression d'une crise politique sans précédent. Hassine Abassi a ajouté que le remaniement ministériel devrait être effectué après la résolution de la crise à Nidaa Tounes, non avant. M. Abbassi a exprimé son mécontentement que des ministres compétents, ayant obtenu des résultats concrets, aient été écartés. Il cite les ministres de l'Intérieur, du Commerce et des Affaires religieuses, alors que des ministres aux faibles rendements sont restés au gouvernement. En attendant, le bilan des victimes de ces incidents est de 2 morts, le jeune Kasserinois de 28 ans, décédé samedi dernier, et un agent des forces de l'ordre, et plus de 80 blessés dont 43 parmi les agents des forces de l'ordre. Le bilan relatif aux forces de l'ordre s'explique par l'ordre strict du nouveau ministre de l'Intérieur de ne pas user de violence à l'encontre des manifestants.