La Fédération nationale des importateurs de viandes rouges soutient qu'une tension sur l'offre avec une flambée des prix n'est pas à écarter, notamment à l'approche du mois de Ramadhan. La filière des viandes rouges subit actuellement de réels bouleversements qui risquent d'engendrer un impact négatif sur le marché national. La récente décision de geler les importations prise par le ministère de l'Agriculture a fait réagir différemment les acteurs dont les éleveurs, les engraisseurs, les producteurs et surtout les importateurs. Ces derniers estiment que la mesure a été décidée de manière unilatérale par la tutelle et déplorent le fait qu'ils n'y soient pas associés. Ce qui risque de causer, selon eux, des perturbations sérieuses en termes d'offre sur le marché. Le président de la Fédération nationale des importateurs de viandes rouges, Sofiane Bahbou, affirme qu'une tension avec une flambée logique des prix n'est pas à écarter, notamment à l'approche du mois de Ramadhan qui enregistre habituellement une hausse de la consommation. Pour lui, la production nationale ne peut être suffisante pour satisfaire cette demande. D'où la nécessité de recourir à l'étranger pour importer le complément qui répondra à tous les besoins exprimés. Sofiane Bahbou avoue que le devenir de cette activité (importation) est désormais dans le flou. Les deux ministères, de l'Agriculture et du Commerce, ne semblent visiblement pas avoir une stratégie claire pour l'avenir de cette filière. Si cette situation de gel persiste, ce sont de nombreux postes d'emploi qui disparaîtront, et une quarantaine de sociétés qui mettront la clé sous le paillasson, alertent des opérateurs. Ce qui n'est pas l'avis des autres intervenants sur le marché, en l'occurrence les éleveurs et producteurs qui, eux, ont accueilli avec grande satisfaction cette interdiction des importations qu'ils ont revendiquée depuis quelques années déjà. Ils ont dénoncé une "concurrence déloyale" exercée par les importateurs, et ont fait appel, pour cela, aux plus hautes autorités du pays. Et la suspension des importations a été officialisée il y a près de 6 mois déjà. Mais, tiennent-ils à préciser, le gel des importations des viandes rouges fraîches ou congelées, effectif depuis le dernier trimestre 2020 pour protéger la production nationale, "n'a pas eu d'incidence sur le marché national". L'Association des producteurs et la Fédération des éleveurs soutiennent mordicus que le "marché est suffisamment approvisionné par une production locale conséquente et les prix ont même enregistré une baisse relative". Ils écartent, de ce fait, tout risque de rupture des stocks pour le mois de Ramadhan. Le président de la Fédération nationale des éleveurs (FNE), Djilali Azzaoui, s'est réjoui du gel des importations des viandes rouges qui, relève-t-il, devrait encourager davantage les producteurs locaux. Il plaide, toutefois, pour un soutien effectif en faveur des professionnels de la filière de la viande rouge (bovine et ovine), dont surtout les producteurs. Cela passe, suggère-t-il, par les "incitations fiscales en faveur des éleveurs et des engraisseurs, ainsi que de la subvention des prix des aliments de bétail". Soulagement des producteurs Selon le ministère du Commerce, la suspension des importations de viandes rouges permettra à l'Algérie d'économiser chaque année un montant avoisinant les 200 millions de dollars. Le ministre du Commerce, Kamel Rezig, avait fait part d'une coordination avec son collègue de l'Agriculture pour prendre en charge l'aspect logistique de manière à réduire les charges financières des éleveurs et élaborer un plan d'action pour assainir cette filière des spéculateurs dont les nombreux intermédiaires qui font augmenter les prix en appliquant leurs marges bénéficiaires à un point tel que le produit devient inaccessible au consommateur. Mais selon les producteurs, il est quasi impossible d'obtenir des prix au-dessous du niveau actuel étant donné plusieurs paramètres dont les droits de douane et les taxes imposés par les pouvoirs publics sur les bovins vifs importés. Par ailleurs, ce gel constitue une véritable opportunité pour faire fonctionner les trois grands complexes d'abatage édifiés, il y a plusieurs années, dans les régions steppiques des Hauts-Plateaux, à savoir le complexe de Boukteb (El-Bayadh), de Hassi Bahbah (Djelfa) et celui d'Oum El-Bouaghi (Aïn M'lila) qui, malheureusement, ne tournent qu'à moins de 15% de leurs capacités.
Badreddine KHRIS
Repères - L'Algérie produit annuellement plus de 5,3 millions de quintaux de viandes rouges, selon les données recueillies auprès du ministère de l'Agriculture. - L'ovin représente 60% de la production nationale en viandes rouges et le bovin 30%, le reste, soit 10%, c'est de la viande caprine et cameline. - Le cheptel national est de 1,8 million de bovins et 29 millions d'ovins. - Le nombre d'éleveurs ovins a atteint 230 000. - Le nombre d'éleveurs bovins se chiffre à 72 000 éleveurs activant dans la production laitière et l'engraissement des veaux destinés à l'abattage. - Les importations du pays en viandes rouges bovines avaient atteint 122 millions de dollars rien que pour les dix premiers mois de l'année 2020, dont 67,5 millions de dollars en viande fraîche et 54,5 millions de dollars en viande congelée.