Contrairement à ce qu'on pouvait redouter, le gel des importations des viandes rouges fraîches ou congelées, décidé par les pouvoirs publics depuis le dernier trimestre 2020 dans l'objectif de protéger la production nationale, n'a finalement eu aucune incidence négative sur le marché national. Bien au contraire, il fera économiser aux caisses publiques plus de 200 millions de dollars. C'est le constat dressé par plusieurs opérateurs de la filière dont le président du Conseil national interprofessionnel des viandes rouges (CNIVR), M. Miloud Bouadis, qui a estimé dans une déclaration à l'APS que «le marché est suffisamment approvisionné par une production locale conséquente», notant que «les prix ont même enregistré une baisse relative». M. Bouadis a écarté, dans le même ordre d'idées, tout risque de rupture des stocks en prévision du mois de Ramadhan, période de forte demande sur les viandes rouges. «De nombreux engraisseurs se sont déjà mis à l'importation de veaux à l'engraissement destinés à l'abattage en prévision du mois sacré connu habituellement par une hausse considérable de la demande en viande bovine», a-t-il indiqué. La qualifiant de décision «salutaire» pour les professionnels de la filière, M. Bouadis a souligné que la suspension des importations des viandes rouges a toujours été parmi les principales revendications du CNIVR. Il a jugé à ce propos que l'importation de bovins vivants d'engraissement, au lieu des produits finaux, s'avère beaucoup plus rentable tant sur le plan nutritionnel que sur le plan économique. «En effet, l'importation de bétails vivants nous permet de tirer profit du cinquième quartier à savoir, les abats des bovins (foie et cœur, tête) qui constituent une source de protéines inestimable, en plus de leurs peaux qui représentent une matière première noble pour l'industrie du cuir», a-t-il fait valoir. D'autre part, il a affirmé que bon nombre d'opérateurs qui étaient versés auparavant dans l'importation de la viande rouge fraîche et congelée se sont reconvertis en éleveurs et engraisseurs. «Ce revirement positif a permis d'augmenter la production, tout en générant des emplois supplémentaires autour de cette activité (alimentation de bétail, abattage, distribution)», a-t-il argué. Un avis partagé par le président de la Fédération nationale des éleveurs (FNE), M. Djilali Azzaoui, qui s'est réjoui du gel des importations des viandes rouges, estimant que cette décision devrait encourager davantage les producteurs locaux. M. Azzaoui a toutefois tenu à préciser que les importations avaient toujours concerné la viande bovine, étant donné que l'offre du cheptel ovin sur le marché national a toujours été excédentaire même durant les périodes des grosses consommation tels les fêtes de l'Aïd El Adha». Plaidant pour un soutien effectif en faveur des professionnels de la filière viande rouge (bovine et ovine), les présidents des deux organisations professionnelles se sont accordés à dire que «le soutien de la production nationale passe par les incitations fiscales en faveur des éleveurs et des engraisseurs ainsi que la subvention des prix des aliments de bétails». Sur le plan économique, tel que noté par le directeur général du commerce extérieur au ministère du Commerce, M. Khaled Bouchelaghem, le gel des importations des viandes rouges décidé par les pouvoirs publics, depuis le 4ème trimestre 2020, permettra à l'Algérie d'économiser plus de 200 millions de dollars. A propos des prix à la consommation des viandes rouges, qui demeurent excessifs pour les petites bourses, le président de la FNE a relevé que les tarifs varient d'une région à l'autre, notant que l'écart des prix au kilo entre les villes du sud et les celles du nord peut atteindre jusqu'à 500 dinars. Un écart expliqué, a-t-il dit, par la règle de l'offre et de la demande. Pour sa part, le vice-président de la FNE, M. Brahim Amraoui, impute la hausse des prix au niveau des grandes villes, essentiellement, au grand nombre d'intervenants dans la chaîne de commercialisation. Outre la loi de l'offre et de la demande qui influe sur les prix et les frais des transports, a-t-il expliqué, il y a aussi beaucoup d'»intermédiaires» sur la chaîne de distribution avec une marge bénéficiaire pour chaque intervenant au détriment du consommateur final. C'est ce qui explique, selon lui, la «disparité des prix» entre les zones de production (la steppe) et les autres régions», a-t-il déduit. Abondant dans le même sens, la chargée d'étude auprès du ministère de l'Agriculture et du Développement rural, Sabrina Ichou, a insisté, enfin, sur la nécessité pour les acteurs de la filière de s'organiser pour rendre les prix plus abordables. Selon la même responsable, «les associations interprofessionnelles doivent s'entendre, y compris sur les marges bénéficiaires à travers des contrats prédéfinis afin de réguler les prix des viandes qui restent excessifs malgré une production conséquente qui dépasse 50 millions de quintaux par an».