Ce qu'a révélé l'étudiant devant le tribunal a profondément choqué l'opinion. Ce qu'il a subi interpelle les consciences et appelle une réparation à la mesure du supplice qu'on lui a infligé. Les graves révélations faites, avant-hier, par les avocats de Walid Nekkiche sur les tortures que le jeune étudiant aurait subies depuis son placement en détention en novembre 2019 ont dû horrifier les âmes sensibles. Les termes "viol", "abus sexuels", "sévices", que la presse a relayés, ont dû faire pleurer dans les chaumières. Pourtant, les soupçons de torture et de sévices ont toujours pesé sur les prisons et certains corps de sécurité algériens, et les récits de nombreux militants et hirakistes qui ont eu affaire à certains éléments de la police, de la gendarmerie ou de l'ex-DRS (au moins) depuis 2019 sont accablants et interpellent les plus hautes autorités sur l'urgence de faire toute la lumière sur les graves accusations portées contre ces institutions. Dans une vidéo poignante postée sur les réseaux sociaux l'année passée, Ibrahim Daouadji, figure du Hirak de Mostaganem, maintes fois arrêté et emprisonné, avait raconté les larmes aux yeux comment, après avoir été interpellé à Alger et conduit dans un centre de détention, un de ses interrogateurs avait menacé d'attenter à sa pudeur. "Il avait pris un bâton et menacé de me l'introduire dans le c...", a-t-il courageusement raconté en avouant faire des cauchemars depuis cet épisode. Avant lui, en octobre 2019, Karim Tabbou, homme politique et acteur du mouvement populaire, avait également affirmé avoir été torturé. Après lui avoir rendu visite à la prison, l'une de ses avocates, Me Zoubida Assoul, avait rapporté que Tabbou subissait une "torture morale" (il avait été placé en isolement, ndlr) alors "qu'il avait déjà subi, lors de son arrestation par les services de sécurité, des violences verbales et physiques, en plus des injures et des insultes". Autre figure du Hirak à avoir également enduré les mauvais traitements, selon ses avocats : Brahim Laâlami. Il leur a confié, une main dans le plâtre, avoir subi des violences lors de son arrestation à Constantine, puis à Bordj Bou-Arréridj. Ce que, une fois n'est pas coutume, le ministère de la Justice avait démenti dans un communiqué repris par l'APS. D'autres hirakistes, vivant dans d'autres wilayas du pays, ont dénoncé, pour leur part, de mauvais traitements allant des sévices physiques aux violences psychologiques qui leur ont été réservés dans les fourgons ou les locaux de la police. On se souvient que des dizaines d'Oranais avaient osé porter plainte pour arrestations arbitraires et violences, mais aucune suite ne semble leur avoir été donnée. En tout cas, aucun hirakiste n'a été convoqué pour être entendu sur une plainte qu'il aura déposée. Pourtant, au risque d'enfoncer des portes ouvertes, il n'est pas inutile de rappeler que les mauvais traitements physiques ou psychologiques sont prohibés par toutes les lois du monde "Aucun Etat ne peut autoriser ou tolérer la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Aucune circonstance exceptionnelle, telle qu'un état de guerre ou une menace de guerre, l'instabilité politique intérieure ou tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants", stipule la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, texte adopté par l'AG des Nations unies en 1975 déjà. Chez nous, la Constitution, texte fondamental du pays, stipule dans son article 39 que l'Etat "garantit l'inviolabilité de la personne humaine. Toute forme de violence physique et morale et d'atteinte à la dignité est proscrite. La torture, les traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que la traite des personnes sont réprimés par la loi". Autrement dit, toute personne reconnue coupable de mauvais traitements sur le citoyen algérien doit rendre des comptes. Aujourd'hui, les cas de Walid Nekkiche, d'Ibrahim Daouadji, de Karim Tabbou, de Brahim Laâlami et d'autres Algériens interpellent les autorités, garantes du respect des lois de la République. Que des enquêtes transparentes soient menées sur ces soupçons de mauvais traitements et que lumière soit faite sur ces allégations. S. Ould Ali