De temps en temps, l'un ou l'autre de nos dirigeants se lève en redresseur de torts devant un peuple ravi de voir l'heure des comptes sonner pour les pillards de son pays. La déprédation du foncier constitue le thème de prédilection pour les justiciers de meeting. Mais, invariablement, une fois la scène jouée, l'enchantement populaire de ceux qui, un moment, ont cru au possible amendement du pouvoir dans cette affaire de cambriolage immobilier s'évanouit. Les imposteurs islamistes ont déjà joué à cultiver le sentiment rédempteur chez l'Algérien. De la même manière, des responsables du régime tentent parfois de faire illusion aux yeux des citoyens sur quelque vaine intention de justice ou même de sauvegarde de ce qui peut encore être préservé. Le dossier proposé par notre confrère El Watan, dans son dernier supplément économique, devrait au moins mettre fin aux rodomontades de ces inutiles fulminations. Nos confrères nous apprennent, en effet, que la décennie maudite n'était pas “noire” pour tout le monde. Un rapport de l'Inspection générale des finances, repris par le journal, nous enseigne que depuis le temps béni des DEC, quand le détournement du foncier redevint, grâce à la technique de l'anti-daté, une activité municipale intense, l'érosion des terres domaniales n'a plus cessé. Surtout autour des centres urbains. Et notamment la Mitidja. Des personnes privilégiées ou initiées, ou simplement des personnalités tenant leur influence de hautes fonctions, s'emploient à constituer leurs “colonies”, accaparant des parcelles successives pour étendre leur domaine, à des prix souvent ridicules. Que ce soit avant 1995 quand le terrorisme avançait, ou après quand il reculait, nos colons gagnaient du terrain, sans jeu de mots, dans ce far-west que sont devenues les périphéries agricoles de nos villes. Sélectionnant ses “clients” sur des critères “fortement subjectifs”, comme le note l'IGF, par ce pudique et doux euphémisme, l'administration, dans sa remarquable générosité quand il s'agit de ses “élus”, va jusqu'à leur inventer les moyens de détourner la loi : cession des terrains domaniaux aux agences foncières ou création de coopératives familiales pour rassembler des parcelles isolées. Comme un butin de chasse, le meilleur du pays est dépecé et distribué en fonction de critères conçus par le système et pour le système. C'est donc ainsi que beaucoup de privilégiés se retrouvent aujourd'hui si bien… lotis. Si donc le procédé de dilapidation en règle du domaine immobilier et ses destinataires sont connus, pourquoi nous “menace”-t-on régulièrement de sévir contre les indus acquéreurs des terres de Bouchaoui ou d'ailleurs ? Il y a une impossibilité politique de préserver le patrimoine foncier. Et les gesticulations protectrices couvrent mal l'impuissance inhérente à la nature de l'Etat dans la sauvegarde du bien public face à la rapacité de certains de ses “serviteurs”. Il y a tout de même, grâce à certaines institutions, une “traçabilité” de nos abus. Si, pour l'heure, nous refusons d'en tirer profit, peut-être qu'un jour, de futures générations voulant s'éviter nos fautes s'y intéresseront. M. H.