Les locataires ont décidé de saisir officiellement l'AADL sur le respect de ses engagements. Trois mois après leur livraison, les premiers logements AADL sont déjà au centre d'un conflit, qui risque de dégénérer si l'organisme compétent ne daigne pas respecter ses engagements vis-à-vis des acquéreurs. Au niveau des différents sites, la situation est tendue. Partout le mécontentement. La déception est générale. Il y a quelques jours, c'était Ouled Fayet. À El-Achour, auparavant, les locataires ont dû se rendre à l'évidence que l'eau et le ramassage des ordures sont deux problèmes auxquels ils devraient s'habituer jusqu'à nouvel ordre. Avant-hier, au site des Bananiers (Mohammadia), la tension était à son comble. Dépités par les lenteurs de l'administration de l'AADL, les locataires se sont regroupés pour exprimer leur ras-le-bol. Ici les problèmes sont importants et renvoient du coup à une époque qu'on croyait révolue. Celle des cités-dortoirs livrées à moitié finies. À la différence, de taille, que les bénéficiaires de l'époque ne payaient pas des loyers aussi élevés que ceux appliqués actuellement. Pas d'eau, ni électricité, ni gaz. Si certains ont le privilège d'avoir de l'électricité, il leur est conseillé de ne pas en faire un usage multiple au risque de provoquer un court-circuit. Il faut dire à ce sujet que les armoires électriques situées dans les couloirs ne peuvent supporter trop de charge à cause des branchements anarchiques, pourtant effectués par la Sonelgaz. Les services de cette entreprise justifient cela par le fait que les travaux ne sont pas encore terminés. À notre arrivée dans la matinée, les locataires s'affairaient à rédiger une pétition à adresser à l'AADL et à s'organiser pour une démarche auprès de cette dernière prévue ce lundi. Certains d'entre eux occupés à faire le plein d'eau ont délégué des personnes à leur place. “Même l'ascenseur ne fonctionne pas. Imaginez un père de famille monter dix étages avec deux jerricans.” Les problèmes cités ne sont pas les seuls. Les locataires vivent un autre cauchemar causé par les travaux qui se poursuivent aux étages supérieurs alors que les bâtiments sont déjà occupés par certaines familles qui se sont installées dès la remise des clés. Nous avons croisé une noria de jeunes ouvriers dans les escaliers. Ils transportaient des sacs de ciment. Nous sommes au cœur d'un chantier. La poussière soulevée par les travaux pénètre inévitablement à l'intérieur des logements. “Cela fait trois mois que nous subissons le supplice et l'été n'est pas encore fini. À qui nous adresser puisque l'AADL ne semble pas disposée à régler ces problèmes ? Nous avons pris attache avec M. Merah qui n'a qu'une seule réponse : on réglera cela samedi. 12 samedis sont passés et les choses n'ont pas avancé d'un iota”, dira un locataire. Son voisin ne manquera pas d'attirer l'attention sur une pratique mercantile qui consiste à soutirer de l'argent aux locataires dès que ces derniers manifestent un défaut quelconque dans leurs logements. Les malfaçons sont légion. Pour rectifier, replâtrer, raccorder, il faut payer cash un travail censé être bien fait initialement car il est compris dans le prix du logement. “On nous a fait payer le raccordement du chauffe-eau à la conduite de gaz.” “Nous refusons de payer l'arnaque” Certains ont même opéré des transformations à l'intérieur, faisant fi des clauses du contrat interdisant les travaux de quelque nature que ce soit avant l'achat du logement. Un locataire a avoué avoir complètement refait la dalle de sol en constatant que celle qui a été posée par le constructeur était de mauvaise qualité. B. R., un des signataires de la pétition, déclare que cela fait trois mois qu'on lui a remis les clés et il n'a pas encore habité : “Je ne peux occuper le logement dans un état de chantier. Tant pis si j'ai déjà versé des loyers.” Le mot d'ordre consiste pour le moment à faire aboutir les revendications car le cas échéant les locataires sont décidés, c'est légitime, à ne pas payer les loyers et les charges. “Comment voulez-vous qu'on accepte de payer des loyers très élevés alors que le strict minimum n'existe pas ? Il n'y a pas de prise en charge digne et conforme aux engagements de l'AADL. Sur le plan sécuritaire, la cité est ouverte aux voyous et toxicomanes qui sont là dès la nuit tombée. Où est le gardiennage ?” s'écrie M. R. Quant au ramassage des ordures ménagères, on peut dire qu'il ne se fait pas, en attestent les montagnes de sachets mélangés aux gravats qui jonchent les trottoirs de la cité. Avec les grandes chaleurs, l'on peut aisément deviner les conséquences immédiates. Les plaignants exigent à présent que tous les problèmes posés soient réglés avant la rentrée scolaire. “Nous ne sommes pas des rebelles mais tout simplement des citoyens qui demandent leurs droits”, précise H. K. qui ajoute que “si la directeur de l'AADL ne fait rien, nous irons voir les responsables compétents au ministère de l'Habitat”. Il est clair donc que les livraisons faites hâtivement ont un goût de campagne électorale comme le confirme cette donne : “Qu'ils prennent leurs responsabilités. En nous remettant les clés, on ne nous a jamais dit que le minimum vital n'était pas acquis. C'est une trahison. On nous a dit que c'est une opération politique.” A. F.