Infantino, qui effectuera ces jours-ci un périple dans plusieurs pays africains à commencer par la Mauritanie, ensuite la Centrafrique, puis le Rwanda, ne se rendra donc pas en Algérie. Explications. Lundi soir, la FAF a annoncé sur son site officiel que le président de la FIFA, Gianni Infantino, effectuera une visite officielle en Algérie les 21 et 22 février. "Cette visite, qui s'inscrit dans le cadre du rapprochement avec les associations membres, permettra au président de la FIFA d'échanger avec les officiels du football algérien sur la promotion des valeurs et le développement du sport-roi", avaut précise la fédération. Hier, vers 16h, retournement de situation. La FAF annonce dans un second communiqué laconique que "pour des raisons de contingences particulières, la visite du président de la Fédération internationale de football association, M. Gianni Infantino, est reportée à une date prochaine". Infantino, qui effectuera ces jours-ci un périple dans plusieurs pays africains à commencer par la Mauritanie, ensuite la Centrafrique, puis le Rwanda, ne se rendra donc pas en Algérie. Pourquoi ? Il faut dire que bien que ce sont là des visites programmées depuis longtemps dans le cadre de ses virées de routine, protocolaires et de travail, dans les pays membres de la FIFA, l'annonce du voyage de Infantino en Algérie revêtait un cachet particulier, eu égard au contentieux de la mise en conformité des statuts de la FAF avec ceux de la FIFA, enclenché par les deux parties en novembre 2019. Deux représentants de la FIFA, Mme Sarah Solemale, gouvernance services manager, et Rolf Tanner, juriste et chef de groupe, avaient en effet séjourné en Algérie. L'objet de la visite de ces deux cadres du département conformité de la FIFA s'inscrivait dans le cadre du projet de révision des statuts de la FAF afin de les mettre en conformité avec ceux de l'instance mondiale du football. Le 16 octobre 2020, l'instance mondiale a rappelé justement cette obligation de mettre en conformité les statuts de la FAF avec ceux de la FIFA, dans une correspondance adressée au secrétaire général de la fédération, Mohamed Saad. La FIFA avait rappelé à ce titre dans sa lettre "l'importance du nouveau cadre statutaire et réglementaire qui permettra de garantir un processus électoral démocratique et indépendant, supervisé par des comités électoraux indépendants". "Dans l'hypothèse où les nouveaux textes révisés dans ce sens ne seraient pas adoptés avant les prochaines élections de la FAF en 2021, nous serions contraints de présenter la situation de la FAF aux organes compétents de la FIFA pour une prise de décision. Dans ce contexte, nous invitons la FAF à nous informer dès que possible de la date fixée pour l'adoption des nouveaux textes", avait clairement menacé la FIFA qui, statutairement, doit saisir le comité d'urgence afin d'examiner le dossier Algérie avant de prendre une décision finale (lettre de rappel à l'ordre, avertissement, sanction, comité de normalisation...). Cependant, faisant fi de cette correspondance de la FIFA, le ministère de la Jeunesse et des Sports, mené par Sid-Ali Khaldi, dans la circulaire ministérielle du 8 juin 2020 transmise à l'ensemble des fédérations sportives, interdisait toute modification des statuts avant la fin des mandats olympiques, soit avant l'élection du nouveau bureau fédéral de la FAF. Mardi dernier, à l'issue d'une réunion de la commission nationale interministérielle chargée de suivre le processus électoral de renouvellement des instances des structures d'organisation et d'animation sportive (clubs sportifs, ligues sportives et fédérations nationales sportives), présidée par Sid-Ali Khaldi, la tutelle a de nouveau rappelé cette interdiction. "Concernant les demandes des fédérations relatives aux mesures disciplinaires et à la modification des codes électoraux et des statuts, il est rappelé que la circulaire ministérielle du 8 juin 2020 susvisée interdit de recourir aux mesures disciplinaires abusives et à toute modification des codes électoraux et des statuts jusqu'à la fin du processus électoral de renouvellement", soulignait un communiqué du MJS. Le niet des pouvoirs publics s'explique par le fait que les nouveaux statuts préparés par la FAF sont en totale contradiction avec la loi sur le sport en Algérie (voir Liberté du 10 février). La tutelle soupçonne même la FAF de "vouloir barrer la route à de potentiels candidats afin d'assurer un second mandat à l'actuel bureau fédéral". Selon une source digne de foi, la visite d'Infantino a été reportée en fait sur injonctions des pouvoirs publics algériens. Ils estiment que la visite d'Infantino est inopportune à la veille des élections de la FAF prévues avant le 15 avril prochain. C'est aussi une volonté réitéree que l'interdiction d'amender les statuts de la FAF, avant le scrutin, n'est pas négociable. Reste à connaître maintenant la démarche de la FAF à la lumière de ce report de la visite décidé plus haut. À défaut de pouvoir s'asseoir autour d'une table et trouver une mouture des nouveaux statuts qui soit conforme à la réglementation algérienne et à celle de la FIFA, le MJS et la FAF vont devoir trouver une solution rapidement et fixer les dates des deux assemblées générales, ordinaire et élective, sous la pression certaine de la FIFA. Le 26 octobre 2020, soit dix jours après la lettre de la FIFA, nous écrivions ceci dans ces mêmes colonnes : "Une question s'impose : que fera la FAF ? Convoquera-t-elle une assemblée générale extraordinaire pour l'adoption des nouveaux statuts afin de se plier aux directives de la FIFA, tout en prenant le risque d'enfreindre la circulaire du MJS, ou retardera-t-elle le processus de mise en conformité jusqu'aux élections de la fédération ? À moins qu'un compromis ne soit trouvé sur la mouture finale des nouveaux statuts entre le MJS et la FAF afin d'ouvrir la porte à une éventuelle dérogation. En fait, et à lire de près la première mouture des nouveaux statuts révélée par Liberté dans son édition du 27 avril dernier, les deux parties peuvent trouver une solution consensuelle. En vérité, deux points seulement sont contraires au décret exécutif n°14-330 du 27 novembre 2014 fixant les modalités d'organisation et de fonctionnement des fédérations sportives nationales ainsi que leur statut-type. Le premier point concerne le fait que les anciens présidents de la FAF ne sont plus membres à part entière de l'AG de la FAF et donc pas éligibles (présidents d'honneur), et le second a trait à l'âge limite (70 ans) fixé par les nouveaux statuts pour se porter candidat aux élections de la fédération de football. Deux points non conformes aux articles du décret exécutif signé par le Premier ministre. Le dernier point est aussi contraire à la Constitution du pays. Le décret exécutif n°14-330 du 27 novembre 2014 fixant les modalités d'organisation et de fonctionnement des fédérations sportives nationales stipule dans son article 5 que ‘la composante de l'assemblée générale est fixée et modulée dans les statuts en fonction des spécificités et des exigences requises pour chaque fédération et ce, après accord du ministre chargé des sports'. C'est dire qu'un compromis est possible." Mais rien n'y fit. Désormais, il faudra attendre les orientations dictées par Gianni Infantino. "Nous ne savons pas être libres" malheureusement, dixit l'écrivain Kamel Daoud.