Le nombre de ressortissants d'origine étrangère est suffisamment important pour laisser indifférents les partis politiques. Combien la France compte-t-elle de ressortissants d'origine étrangère jouissant du droit de vote ? Difficile à dire. La loi interdit en effet la prise en compte de l'origine dans les statistiques et les sondages. Cela n'empêche, pourtant, une quantification officieuse de cette catégorie de Français. Les données les plus récurrentes évoquent le chiffre de près de 4 millions avec une forte domination de l'origine algérienne que l'histoire explique aisément. Entre les natifs de France, les naturalisés et les “rapatriés”, entendre harkis, et leurs descendants, certains parlent de 2,5 millions de personnes. S'y ajoute environ 1,2 million d'Asiatiques. Ainsi que quelques centaines de milliers d'Africains, de Marocains et de Tunisiens. En tout cas, le gisement est suffisamment pourvu pour laisser indifférents les partis politiques. Et la donne suffisamment importante pour ne pas peser dans l'équation électorale. Il ne s'agit bien sûr pas d'une nouveauté dans une démocratie où les suffrages des électeurs sont régulièrement sollicités. Désormais, cette communauté refuse de servir de simple force d'appoint ou de faire tapisserie pendant la campagne électorale avant d'être rangée dans ses zones déclassées. Les grands partis en ont pris conscience avec la nomination de deux secrétaires nationaux : Malek Boutih chargé des questions de société au sein du Parti socialiste et Abderahmane Dahmane, chargé des associations issues de l'immigration au sein de l'UMP. La France compte aussi deux ministres d'origine algérienne, avec Hamlaoui Mekacherra, un harki au département des anciens combattants, et Azzoug Beggag, chargé des questions de l'intégration. Signe qui ne trompe pas : Beggag a succédé à Tokia Saïfi, qui s'est révélée trop inefficace pour espérer garder son poste. Tout de même, on lui a permis de se faire élire députée européenne. Il y a aussi deux sénatrices d'origine algérienne. Il s'agit d'Alima Boumediene et de Bariza Khiari. Dans la perspective de 2007, on n'hésite plus à parler de négociation alors que la France a rendez-vous avec une élection présidentielle et des élections législatives. La dernière consultation électorale a laissé un arrière- goût de discrimination. Si au PS, une trentaine de candidats ont réussi à se faire élire aux régionales, l'UMP n'en compte pas un seul. Ils étaient trop rares et trop mal classés sur les listes pour espérer une issue plus réjouissante. À droite, c'est paradoxalement l'UDF de François Bayrou, un parti de notables, qui a permis à Leïla Leghmara, fille d'un ouvrier originaire de Sétif, de se faire élire au conseil général (l'équivalent d'une APW). Cette jeune enseignante d'anglais était déjà adjointe au maire de Colombes, en région parisienne, chargée des affaires scolaires. Le parti au pouvoir semble avoir retenu la leçon. D'où la création du secrétariat national chargé des associations issues de l'immigration et confié à Abderahmane Dahmane. Avec la réputation d'être un fidèle de Nicolas Sarkozy qui l'a nommé à ce poste, cet ancien militant de gauche semble disposé à sacrifier l'amitié pour les intérêts de la communauté qu'il est chargé de représenter. Il est vrai, les paris sont difficiles à un moment où brille la cote du Premier ministre, Dominique de Villepin, pendant que décline celle du ministre de l'Intérieur dont la fermeté à l'égard des clandestins risque d'être assimilée à une politique de répression de l'immigration. “C'est du donnant-donnant”, clame M. Dahmane en appelant les sympathisants de l'UMP à “ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier”. Entre la fidélité en amitié et les soucis d'une communauté trop souvent frustrée, la posture est difficile. M. Dahmane semble donc faire le choix du réalisme politique. Le premier test est prévu au mois de mars. L'UMP doit organiser des élections au sein des circonscriptions. Il s'agira alors de voir la place qui sera faite aux militants issus de l'immigration ; et pour l'occasion, M. Dahmane ne souhaite pas faire le “chaouche” en fournissant des noms. Tout doit passer par la base. Reste pourtant une inconnue. Le vote de l'immigration n'est pas homogène. Si l'immigration asiatique, généralement composée de citoyens ayant fui la répression du régime stalinien vote à droite, celle venant du Maghreb se prononce de manière beaucoup plus nuancée. Elle a en majorité le cœur à gauche mais vote pour Jacques Chirac, selon un récent sondage. En 2002, ses voix ont certainement manqué à Lionel Jospin à cause de son passage mouvementé dans les territoires palestiniens. Embourbé dans une crise interne, le PS n'est pas encore en mesure de proposer une stratégie pour reconquérir cette communauté. Le pari risque de devenir encore plus compliqué si Sarkozy ne sort pas victorieux de son duel avec les chiraquiens. Yacine KENZY