L'augmentation importante de la production agricole, cette année, ferait-elle le bonheur des ménages, notamment en ce mois de Ramadhan, et le malheur de ce secteur en pleine expansion pourtant ? Même si, pour le moment, on n'en est pas encore au stade de la surproduction, les problèmes d'écoulement vécus ces dernières semaines par certaines filières, à l'image de la tomate et des produits vitivinicoles, semblent être perçus par les responsables du secteur comme un signal d'alerte à prendre au sérieux pour ne pas casser la dynamique créée par le Plan national de développement agricole (PNDA). Le ministre de l'Agriculture, Saïd Barkat, n'a pas hésité, ce mardi, alors qu'il présidait la cérémonie d'ouverture du premier Salon de l'agriculture à Bouira, à lâcher que “nous avons un vrai problème de commercialisation des produits agricoles en raison de leur abondance. Mais, je préfère être le ministre de l'abondance que celui de la pénurie”. Les différents résultats enregistrés par les divers produits agricoles, ces dernières années, et consolidés durant l'année en cours, confortent cette tendance que le secteur est en train de sortir de la longue léthargie dans laquelle il était plongé. Et cela est nettement visible en ce début de Ramadhan, une période où généralement la spéculation sur les fruits et légumes bat son plein au point où ces produits atteignent quelquefois des plafonds qui laissent les petites bourses sur leur faim. Contrairement aux années précédentes, la pression sur ces produits ne s'est pas fait trop sentir, au grand bonheur des citoyens. “La production dans certaines filières a été multipliée par 4 ou 5”, a noté le ministre de l'Agriculture. Selon M. Assabah, directeur de la régulation et du développement des productions agricoles au ministère de l'Agriculture, la production maraîchère (tomate, poivron, oignon, haricot, carotte…) atteindra sans difficulté le niveau des prévisions qui sont de l'ordre de 60 millions de quintaux. L'année dernière, la production était de 56 millions de quintaux. Elle a donc connu en l'espace d'une année une augmentation de 4 millions de quintaux, c'est-à-dire 400 000 tonnes, ce qui est loin d'être négligeable. La filière pomme de terre semble être la plus chanceuse puisque 20 millions de quintaux ont été récoltés, alors qu'auparavant la production nationale ne dépassait pas les 13 millions de quintaux. “Il existe un excédent par rapport à la demande”, tient à souligner M. Assabah. Quant aux fruits, dont les prix ont connu cette année une sensible baisse, la marge de manœuvre est apparemment encore plus intéressante. Pour M. Assabah, le meilleur est à venir dans la filière arboricole. Et pour cause, les plantations réalisées au début du PNDA ont commencé à porter leurs fruits, mais beaucoup de périmètres, également créés dans le cadre du même plan, ne sont pas encore arrivés au stade de la production. En effet, la filière arboricole, qui couvrait en 2000, année de démarrage du PNDA, quelque 517 000 ha, s'étend actuellement sur 962 000 ha, et l'on table, au niveau du ministère de l'Agriculture, d'ici à la fin de l'année en cours, d'atteindre un million d'ha. La constante augmentation de la production de fruits est, par ailleurs, révélée par l'évolution des agrumes. Entre 2003 et 2004, la production est passée de 5 à 6 millions de quintaux. La même tendance est constatée pour la production de datte, de raisin et de fruits à pépin (pomme et poire). Mais, au-delà de cette véritable résurrection que connaît l'agriculture, un problème des plus graves guette le secteur. Il s'agit de la prise en charge de la post-production à travers la recherche de marchés nationaux et internationaux pour l'écoulement des quantités produites et la mise en place d'unités de transformation. Et c'est précisément là que le bât blesse. Le secteur agroalimentaire n'étant pas très développé dans notre pays, les produits agricoles peinent par conséquent à trouver preneur. Cette situation se répercute sur le prix des produits qui dégringole rapidement et cause des pertes énormes des agriculteurs qui, souvent, n'arrivent pas à entrer dans leurs investissements. Si, depuis le lancement du PNDA en 2000, le cap a surtout été mis sur l'encouragement de la production tous azimuts, le moment semble venu, aujourd'hui, de réorienter le soutien de l'Etat de sorte que le secteur ne soit pas déstabilisé par un mouvement censé lui donner sa force. L'effort doit être également consenti dans l'incitation des opérateurs privés à investir dans l'agroalimentaire, un domaine qui demeure globalement vierge, face à un secteur agricole de plus en plus productif. Hamid Saïdani