Même s'ils ont commandité puis revendiqué des attentats, à l'instar de Rabah Kebir, les islamistes, partis à l'étranger, auront le pardon de l'Etat. Les déclarations des officiels sur la mise en œuvre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, plébiscitée par le peuple le 29 septembre dernier à l'issue d'un référendum, se succèdent, mais ne se télescopent pas vraiment. Dans un entretien, publié par Le Point (magazine français) dans son édition du 6 octobre, le Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, jure que le chef de l'Etat n'a jamais parlé d'amnistie générale. Pourtant, le président Bouteflika a ressassé à loisir, au gré de ses sorties publiques, son projet d'amnistie générale par le truchement duquel l'Algérie devait, dans son entendement, tourner la page de la décennie noire. Le premier magistrat du pays a marqué un recul significatif sur ses intentions primaires pour des raisons qui demeurent enfermées dans les secrets d'alcôve. Pour prouver que l'Etat ne pousse pas sa mansuétude au-delà des limites autorisées de la morale, le Chef du gouvernement affirme : “Ceux qui sont reconnus coupables de massacres collectifs sont exclus du pardon.” Il ne dit pas, néanmoins, comment les auteurs de ces attentats seront identifiés parmi la légion de terroristes qui nieront mordicus avoir participé activement à des massacres de civils ou à des attaques contre des éléments de corps constitués. L'expérience de la loi portant rétablissement de la concorde civile a donné un clair aperçu sur la difficulté de la tâche. Seuls les actes des terroristes, déjà condamnés par la justice, seront avérés, en définitive. “Parmi les dizaines de milliers de ceux qui ont été jugés et condamnés, certains seront graciés, d'autres verront leur peine commuée”, ajoute Ahmed Ouyahia. Il soutient que 21 000 terroristes écumaient les maquis au milieu des années 90, c'est-à-dire au paroxysme de la violence intégriste. Il n'en reste, selon ses dires confirmés par ailleurs par le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, qu'un millier. Ce qui revient à conclure que les autorités compétentes devraient décider du sort de ceux parmi ces activistes qui déposent les armes à compter du 29 septembre. Selon le Chef du gouvernement, “la charte prévoit qu'une loi va instaurer un mécanisme pour les redditions. Les services de sécurité remettront ceux qui se rendront à une juridiction”. Il ne précise pas la nature de la juridiction en question. Tendrait-on vers la réédition des comités de probation, qui ont largement montré leurs failles six ans plus tôt ? Certainement, sinon quelle serait l'alternative ? Dans le sillage de son explication de la charte sur la paix et la réconciliation nationale, Ahmed Ouyahia fait une surprenante annonce : “Les islamistes partis à l'étranger en 1992, et qui n'ont pas commis de crime de sang, doivent être amnistiés.” Il est évident qu'il désigne par là les membres de l'exécutif du FIS — dont Anouar Haddam et Rabah Kebir — réfugiés en Europe et aux Etats-Unis après la dissolution du parti. Ils ont pourtant, de leurs propres aveux, commandité, à partir de leur retraite, de très nombreux attentats commis en Algérie. Cela les rendrait-il moins coupables que les exécutants de leurs macabres projets ? Assurément au regard du président de la République et des hauts responsables de l'Etat qui défendent sa démarche réconciliatrice. Sur un tout autre plan, le chef de l'Exécutif plaide pour des relations bilatérales avec la France, expurgées de toute velléité de faire l'impasse sur les 132 ans de colonialisme. “La France souhaite un traité (d'amitié, ndlr) dans le même esprit que le traité signé avec l'Allemagne.” Plus mordant, Ahmed Ouyahia rappelle que la signature de l'accord d'amitié de l'Algérie avec la France, mais “la turpitude de la loi votée le 23 février (consacrant l'aspect bénéfique du colonialisme) ne s'inscrit pas dans le sens que voulaient les deux pouvoirs exécutifs (…) Nous n'avons pas le désir de gêner les autorités françaises, mais il faut admettre le passé, et il y aura du côté algérien une réponse digne”. Souhila H.