La manifestation qui devait signer le retour des marches du vendredi à Oran a été étouffée dans l'œuf par un impressionnant dispositif de sécurité qui a été déployé dès la matinée d'hier tout autour de la place du 1er-Novembre. À pied ou en véhicule, en uniforme ou en civil, les forces de l'ordre ont quadrillé le centre-ville d'Oran comme rarement auparavant. Un peu avant 14h, les nombreux policiers qui se trouvaient place du 1er-Novembre se sont brusquement redressés au son de la voix qui sortait de leurs talkies-walkies leur intimant l'ordre de se rendre au boulevard Maata voisin. À quelques dizaines de mètres des hirakistes, portant l'emblème national et scandant "Dawla madania machi âskaria", descendaient du boulevard pour rallier la place symbolique du Hirak. Mais ils furent rapidement interceptés par les services de sécurité qui embarquèrent les meneurs et dispersèrent le groupe de manifestants. Ilyes Rejdel, déjà inquiété — et violenté — par la police depuis le début du Hirak, ne cessait de hurler ce slogan quand un policier lui met la main sur la bouche et le fait monter dans un fourgon stationné à proximité de la place d'Armes. Plusieurs hirakistes dont des étudiants, tel Oussama Bentoumia, ont également été vigoureusement interpellés et embarqués dans des fourgons de police pour être dispersés dans différents commissariats. Après cette intervention musclée, toute tentative de manifester était empêchée et les activistes qui venaient place du 1er-Novembre étaient refoulés ou interpellés. À peine arrivé sur les lieux, Kaddour Chouicha, vice-président de la Laadh, a été également intercepté, interrogé pendant quelques minutes devant l'Hôtel de ville avant d'être libéré. Plus tard, Mes Ahmed Mebrek et Omar Boussag, avocats du collectif de défense du Hirak, ont également été interpellés, avant d'être libérés. "Nous sommes dans un dispensaire. Me Boussag qui a été malmené et blessé à la main, exige un certificat médical", a confirmé Me Mebrek au téléphone. De fait, hormis les membres des services de sécurité chargés d'empêcher coûte que coûte toute manifestation populaire, la place emblématique a été interdite à tous les Oranais, y compris aux citoyens qui voulaient simplement s'y promener. "Je viens ici depuis 40 ans, bien avant que le Hirak ne commence. Pourquoi m'empêcher de m'asseoir ?", s'est ainsi plaint un quinquagénaire sommé de partir par des policiers en civil. Comme à leur habitude en temps de marche ou de manifestation, les activistes ont commencé à faire le décompte des arrestations sur les réseaux sociaux en donnant les noms des hirakistes interpellés, relâchés ou maintenus en garde à vue. Ainsi, selon un bilan partagé vers 16h mais non confirmé de source sûre, une soixantaine de personnes auraient été interpellées un peu partout dans le centre-ville dont toutes les ruelles adjacentes étaient soigneusement surveillées par les forces de l'ordre.