Le cyberjournaliste, Saïd Boudour, s'est présenté hier devant le procureur de la République près le tribunal correctionnel de Fellaoucène, Oran, pour l'exécution du mandat de dépôt délivré à son encontre par la chambre d'accusation en octobre 2019. Le journaliste qui s'est présenté de son propre chef devant la justice a également fait opposition à la condamnation à une année de prison ferme dont il avait écopé par défaut, le 24 novembre dernier, en compagnie du lanceur d'alerte, Noureddine Tounsi, pour menaces et tentative de chantage sur la personne de Kliliche Cheikh, entrepreneur établi à Sénia. Les faits de cette affaire remontent à octobre 2019 lorsque Saïd Boudour et Noureddine Tounsi ont été arrêtés à la suite d'une plainte pour chantage déposée contre eux par Kliliche Cheikh duquel ils auraient exigé de l'argent pour ne pas rendre publiques des informations privées compromettantes. Déférés devant la 5e chambre du tribunal de Cité Djamel, aujourd'hui Fellaoucène, le 7 octobre, les deux hommes avaient été remis en liberté par le juge d'instruction qui avait estimé que les deux hommes présentaient suffisamment de garanties de représentation. Le procureur de la République, qui venait de requérir le placement en détention préventive, a fait appel de cette décision devant la chambre d'accusation de la cour d'Oran. Il faut rappeler qu'outre les accusations portées par Kliliche, Saïd Boudour était également poursuivi pour plusieurs autres charges — dont atteinte au moral des troupes — qui pouvaient le mener devant le tribunal criminel. Après avoir examiné le dossier et écouté les arguments des deux parties, la chambre d'accusation avait décidé, le 10 mars 2020, de l'extinction des poursuites criminelles, et donc, du renvoi du dossier devant le tribunal correctionnel, du maintien du mandat de dépôt contre Saïd Boudour et du placement sous contrôle judiciaire de Noureddine Tounsi. Avec l'apparition de la pandémie de coronavirus et les mesures préventives décidées par le ministère de la Justice, le procès des deux hommes a été systématiquement reporté jusqu'au mois de novembre. Entre-temps, Noureddine Tounsi avait été interpellé et incarcéré en septembre dans le cadre d'un autre dossier portant sur ses liens avec la Plateforme africaine de protection des lanceurs d'alerte, la PPLAAF, et des accusations qu'il avait lancées contre certains magistrats. Le lanceur d'alerte est ainsi poursuivi pour intelligence avec l'étranger, divulgation de secrets professionnels et outrages et violences à fonctionnaires et institutions de l'Etat. De lourds chefs d'accusation que son épouse a dénoncés à travers une lettre qu'elle a adressée au ministre de la Justice et garde des Sceaux (voir Liberté du 9/02/2021). Le 27 octobre, Saïd Boudour et Noureddine Tounsi ont été jugés par défaut (le premier ne s'étant pas encore présenté à la justice, le second n'ayant pas été extrait de prison). De ce fait, les avocats de la défense ont été dans l'impossibilité de plaider et de répondre au procureur de la République qui avait réclamé la peine de deux années de prison ferme et une amende de 100 000 DA. Les robes noires n'ont pas omis de dénoncer "un procès irrégulier". "L'audience aurait dû être ajournée parce que les conditions du déroulement d'un procès équitable n'étaient pas réunies", avaient fulminé les avocats, frustrés de ne pas pouvoir défendre leurs mandants. Le 24 novembre, le tribunal rendait son verdict : une année de prison ferme, assortie d'une amende de 50 000 DA et 500 000 DA de dommages et intérêts en faveur de la partie civile, Kliliche Cheikh en l'occurrence. L'audience qui est programmée pour aujourd'hui sera vraisemblablement reportée, le tribunal de Fellaoucène n'abritant les procès par vidéoconférence que les mercredis.