Après la reconnaissance de la responsabilité de l'armée française dans l'assassinat d'Ali Boumendjel, le président français a décidé hier de faciliter l'accès aux archives, conformément aux préconisations du rapport Stora. Une mesure qui va certainement contribuer à faire la lumière sur l'une des faces cachées de la Guerre d'Algérie. Le président Emmanuel Macron semble vouloir aller vite dans la réalisation de ses engagements sur le règlement du contentieux mémoriel avec l'Algérie. Une semaine après avoir reconnu la responsabilité de l'armée française dans l'assassinat du martyr Ali Boumendjel, il a décidé hier de faciliter l'accès aux archives, conformément aux préconisations du rapport de l'historien Benjamin Stora sur la réconciliation et les mémoires de la guerre d'Algérie, rendu public le 22 janvier dernier. Dans un communiqué publié en milieu de journée, le palais de l'Elysée a indiqué que le chef de l'Etat français "a pris la décision de permettre aux services des archives de procéder — dès aujourd'hui — aux déclassifications des documents couverts par le secret de la Défense nationale", selon le procédé dit "de démarquage au carton" jusqu'"aux dossiers de l'année 1970 incluse". Selon l'Elysée, cette décision " sera de nature à écourter sensiblement les délais d'attente liés à la procédure de déclassification, s'agissant notamment des documents relatifs à la guerre d'Algérie". Depuis 2011, une loi baptisée IGI 1300 (instruction générale interministérielle) limite drastiquement l'accès aux documents militaires frappés du sceau de secret défense. En 2020, le Secrétariat de la Défense et de la Sécurité nationales (SDSN), un organisme qui dépend du Premier ministère, a aggravé les restrictions en demandant aux archivistes de mettre en place une procédure techniquement longue de déclassification, document par document. Ces nouveaux blocages administratifs ont alerté des historiens, des juristes et des archivistes qui ont, avec l'association Josette et Maurice-Audin, déposé deux recours auprès du Conseil d'Etat. Dans leur requête, les plaignants ont souligné que les entraves de l'administration concernant l'accès aux archives de la guerre de l'indépendance de l'Algérie sont contraires au code du patrimoine de 2008 — il stipule que des documents peuvent être librement consultés 50 ans après leur émission — et s'opposent aux déclarations du président Macron sur le sujet. Dans l'affaire Audin, Emmanuel Macron avait notamment annoncé une dérogation pour l'ouverture des archives des disparus. Il avait plus tard réitéré son engagement, à plusieurs occasions, sans avoir changé quoi que ce soit dans les faits. Hier, il a dit avoir "entendu les demandes de la communauté universitaire pour que soit facilité l'accès des archives classifiées de plus de cinquante ans". Mais en même temps, le président français a laissé entendre que certains documents pourraient ne pas être divulgués. "Il revient à l'Etat d'articuler de manière équilibrée la liberté d'accès aux archives et la juste protection des intérêts suprêmes de la nation par le secret de la Défense nationale", a fait savoir le communiqué de l'Elysée. Le même document révèle qu'un "travail législatif d'ajustement" allait être fait pour "trouver un point de cohérence entre le code du patrimoine et le code pénal pour faciliter le travail des chercheurs". "Il s'agit de renforcer la communicabilité des pièces, sans compromettre la sécurité de la Défense nationale", souligne le communiqué, en précisant que la réforme législative annoncéeva impliquera tous les ministères et des experts. Elle devra être clôturée avant cet été. Dans une réaction, le président de l'association Josette et Maurice-Audin a évoqué "un premier geste après un an d'actions d'historiens, d'archivistes et de citoyens".