Le "plein accès" aux archives contemporaines, classées "Secret Défense", est "indispensable", ont plaidé des associations de chercheurs, juristes et archivistes, ainsi qu'un large panel d'historiens français, saisissant le Conseil d'Etat de leur pays pour obtenir "l'annulation" d'une nouvelle instruction interministérielle restrictive. Invités du blog de "Médiapart", trois associations ainsi que de nombreux historiennes et d'historiens viennent d'alerter l'opinion publique sur une nouvelle instruction interministérielle relative aux archives classées "Secret Défense" réduisant l'accès aux archives, considérant que ces documents sont les seuls à même de "garantir un examen informé et contradictoire de notre histoire contemporaine". "C'est aussi une condition indispensable pour répondre à l'appel du président de la République, Emmanuel Macron, répété à plusieurs reprises appelant à un débat sur le passé de notre pays, notamment colonial", ajoutent-ils, saisissant, par conséquent, le Conseil d'Etat pour obtenir "l'annulation" de ladite instruction. Aux côtés des Associations des Archivistes français (AAF), des Historiens contemporanéistes, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (AHCESR) ainsi que de l'Association Josette et Maurice Audin, figurent parmi les signataires de la pétition. Parmi ces historiens, sont cités Raphaëlle Branche, Robert O. Paxton, Catherine Teitgen-Colly et Olivier Wieviorka. Relayés par plus de 18 000 autres signatures, ils dénoncent ainsi "une restriction inadmissible dans l'accès aux archives contemporaines de la Nation", considérant que ce nouveau texte réglementaire "loin de se conformer à la loi de 2008, entrave toujours plus l'accès" à ces dernières. "Depuis plus d'un an, l'application systématique de l'Instruction générale interministérielle n 1300 (IGI 1300), un texte de valeur réglementaire, conduit à subordonner toute communication de documents antérieurs à 1970 et portant un tampon + secret + à une procédure administrative dite de +déclassification+. Se trouve ainsi bloqué pendant des mois, et parfois des années, l'accès à ces documents et entravés des travaux portant sur certains des épisodes les plus sensibles de notre passé récent, qu'il s'agisse des périodes de l'Occupation, des guerres coloniales, ou de l'histoire de la Quatrième République et des débuts de la Cinquième République", peut-on lire dans la requête. Lire aussi: L'Algérie réclame la récupération de "la totalité" de ses archives de la France Cette procédure, est-il ajouté, est "contestable dans son principe même, car la loi prévoit que les archives publiques dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale deviennent +communicables de plein droit+ à l'expiration d'un délai de cinquante ans, sans qu'aucune autre condition particulière ne puisse être exigée". Estimant, de ce fait, que "tous les documents de ce type antérieurs à 1971 devraient être librement accessibles en 2021", les auteurs de la requête ont rappelé l'introduction, le 23 septembre 2020, d'un recours devant le Conseil d'Etat quant à "l'illégalité" de l'IGI 1300, dont une nouvelle version est parue mi-novembre 2020. "Loin de résoudre le problème identifié dans le recours, elle réduit davantage encore la communication des archives publiques antérieures à 1971 et fait peser de sourdes menaces sur l'accès à l'ensemble des documents classifiés Secret défense à l'avenir", déplorent les signataires, faisant également savoir que, depuis cette date, le président Macron, le Premier ministre, de nombreux parlementaires ainsi que la ministre de la Culture, en charge des Archives, ont tous été saisis de cette question. Plus encore, "cette nouvelle version de l'IGI fixe de manière arbitraire le périmètre du Secret-défense en imposant la date de mars 1934 : tout document postérieur à cette date portant un quelconque tampon +Secret + doit faire l'objet d'une demande de déclassification auprès des services émetteurs", font-ils encore observer, notant que "les critères de déclassification (ou de refus de déclassification) ne sont pas précisés, ouvrant la porte à une gestion arbitraire de l'accès aux archives de la Nation". "Plus grave encore, cette nouvelle version de l'IGI produit une catégorie d'archives non communicables, au mépris de la loi. En effet, faute d'une réponse de l'administration émettrice à une demande de déclassification, les archives ne peuvent être communiquées : elles deviennent de fait non communicables. Enfin, de manière inédite dans l'histoire des archives en France, la nouvelle version de l'IGI1300 prévoit la possibilité que des archives soient classifiées +Secret défense+ a postériori sans aucune limite temporelle et justification d'aucune sorte, privant le Parlement de sa compétence exclusive quant à la fixation des délais au terme desquels les archives publiques deviennent librement communicables. Une autre tribune, l'éditorial de "l'Humanité" en l'occurrence, accuse l'Etat français de "chercher, depuis trop longtemps, à enfouir la vérité sur les crimes perpétrés par l'armée française en Algérie", considérant que "le temps a beau faire son œuvre, les plaies restent ouvertes". Saluant la remise, ce jour, du rapport commandé par l'Elysée à l'historien Benjamin Storax, le journal écrit: "Prononcez +?Guerre d'Algérie?+ dans le débat public, débarquera sans tarder l'armada des nostalgériques vantant les +?bienfaits de la colonisation?+, aveugles au racisme systémique qui y a puisé ses racines", avant de faire rappeler que "des milliers de familles algériennes ne retrouveront jamais les corps de leurs +?disparus?+ et que toute une génération d'appelés s'est murée dans le silence et la honte avant que les langues ne se délient et que la vérité finisse par s'imposer". "C'est le sens du combat pour Maurice Audin mené pendant plus de soixante ans dans nos colonnes", conclut l'éditorialiste, avant de déplorer la nouvelle IGI entravant l'accès aux documents "Secret-défense".