Près d'un mois après la reprise des manifestations populaires, des interrogations surgissent sur, notamment, la suite à donner au mouvement populaire. Car, s'il a bien réussi à chasser Abdelaziz Bouteflika du pouvoir, le Hirak, deux ans après sa naissance, n'a pas pu pour autant, de l'avis de tous, contrecarrer la feuille de route imposée par les autorités depuis l'été 2019. La mobilisation populaire a, certes, grandement impacté les rendez-vous électoraux de la présidentielle de décembre 2019 et du référendum constitutionnel de novembre 2020 où le taux de participation était bas, mais les deux scrutins ont pu avoir lieu et ont permis au pouvoir d'envisager la troisième étape de son projet : l'organisation des élections législatives prévues pour le 12 juin prochain. En plus de ce qui s'apparente à un dialogue de sourds qui s'est installé entre le mouvement populaire et le pouvoir, le Hirak fait face, ces derniers temps, à l'émergence de contradictions internes et de tentatives de déstabilisation. La dualité laïcs et islamistes se manifeste de plus en plus et des prémices d'"agacement", ayant conduit à des "dérapages", ont fait leur apparition à l'occasion de la marche des femmes du 8 Mars, ou encore, lorsque des individus, dont l'obédience est inconnue, ont tenté de s'en prendre à certains journalistes. Ces actes, s'ajoutant à des discours enflammés venant de certains youtubeurs installés à l'étranger, commencent à semer le doute parmi certains activistes du Hirak. Des militants ont même déclaré publiquement leur intention de prendre leurs distances vis-à-vis du mouvement. Face à cette situation, des acteurs du Hirak ont tenté de s'organiser pour exposer et construire des alternatives. "Nous ne pouvons pas continuer à sortir tous les vendredis et rentrer chez nous sans résultats", explique l'avocat Smaïl Maâraf, une des figures du mouvement populaire. Tout comme Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (Laddh), également investi dans le Hirak, qui plaide pour l'organisation du mouvement populaire. Quand bien même laborieuses, des initiatives commencent à apparaître. Certains animateurs veulent organiser un congrès des représentants du Hirak pour élaborer une feuille de route. "La situation ne peut plus continuer comme cela", estime Saïd Salhi, qui reconnaît que pour l'instant, "il n'y a rien de concret". Mais le défenseur des droits de l'Homme garde l'espoir que cela aboutisse. "Nous n'avons pas trop le choix", a-t-il indiqué. Une autre initiative de certaines personnalités très connues du Hirak est en gestation et est sur le point d'être annoncée. Entre autres idées qui circulent parmi certains animateurs de ce groupe, il y a la possibilité d'engager d'autres actions en plus des manifestations de vendredi. Des grèves sectorielles sont par exemple évoquées. "Il faut créer un rapport de force pour pousser le pouvoir à accepter de dialoguer", indique un des initiateurs du projet. Ces deux initiatives risquent de se heurter à un ennemi de taille. Il s'agit d'accusations de trahison venant de l'intérieur du Hirak lui-même. "Celui qui a peur d'être accusé de traître n'a rien à faire en politique", tranche Smaïl Maâraf.