Le délégué national aux risques majeurs auprès du ministère de l'Intérieur, Hamid Afra, a révélé, hier, que la pandémie de Covid-19 a engendré la perte de plus d'un million de postes de travail dont 500 000 emplois directs l La plupart des travailleurs touchés sont ceux ayant des emplois précaires ou activant dans l'informel et disposant d'un accès limité au système de protection sociale. La pandémie de Covid-19 a engendré la perte de plus d'un million de postes de travail dont 500 000 emplois directs en Algérie. Les mesures de confinement sanitaire et le ralentissement de l'économie nationale ont fragilisé davantage la situation socio-économique du pays. Ce constat chiffré a été établi par Hamid Afra, le délégué national aux risques majeurs auprès du ministère de l'Intérieur, lors de la conférence nationale sur la stratégie de prévention contre les risques majeurs organisée hier. De par les dommages qu'il a occasionnés, le coronavirus figure désormais sur la liste de ces périls auxquels est confronté notre pays. D'où la nécessité d'analyser profondément leur impact sur le plan socio-économique. Les méfaits de cette crise sanitaire ont surtout ciblé les populations à revenus modestes, puisés le plus souvent de l'économie informelle. La plupart des travailleurs touchés sont ceux ayant des emplois précaires ou des bas salaires et qui disposent d'un accès réduit à la protection sociale. Une enquête de l'Office national des statistiques (ONS) démontre que plus de 35% de la population active ont un statut précaire. Ces emplois provisoires sont concentrés essentiellement dans le secteur du BTPH, les services, l'agriculture et la pêche, l'hôtellerie, les journaliers... Ce sont des millions de familles qui ne pourront pas s'offrir les produits de large consommation y compris ceux subventionnés. Ce sont des ménages qui risquent de plonger dans une précarité totale. L'Etat a pour devoir de venir en aide et d'apporter le soutien nécessaire à cette vulnérable catégorie de citoyens. Pis encore, la baisse de la croissance économique rendra l'insertion des jeunes et des femmes dans le marché du travail formel encore plus difficile. Le ministre du Travail El-Hachemi Djaâboub a, pour sa part, souligné récemment que le nombre de placements des demandeurs d'emploi a reculé de 31% en 2020 par rapport à 2019, qualifiant 2020 d'année exceptionnelle en raison de la pandémie du nouveau coronavirus "avec ses impacts négatifs" sur le monde de l'emploi. Il a signalé aussi que le nombre d'offres d'emploi a baissé de 437 000 en 2019 à 306 000 (offres) en 2020, notamment dans les secteurs du bâtiment, des travaux publics et de l'hydraulique (BTPH), de l'industrie et des services. Plus de 80% de ces offres, a-t-il précisé, proviennent du secteur privé. Le nombre de placements des demandeurs d'emploi a, en outre, reculé, a-t-il fait savoir, de 335 311 en 2019 à 230 621 en 2020. Il faut dire que les entreprises, notamment les PME et TPE ont été les premières à subir les conséquences de la pandémie, en raison du confinement. Elles ont dû s'adapter en mettant en place des mesures de télétravail ou des mesures de distanciation sociale. La situation des entreprises présentes dans les différents secteurs d'activité demeure préoccupante. Les managers ne cachent pas leur inquiétude quant aux conséquences désastreuses de cette double crise, sanitaire et économique. Les PME ont fait face à un net recul de leur activité en raison de la baisse des commandes. La consommation a, en effet, baissé de manière considérable. Les changements chez les consommateurs, durant le confinement ont eu aussi un impact sur les activités commerciales. Les créneaux les plus ciblés sont les services de base, restaurants et cafétérias, qui emploient le plus grand nombre de personnes. La chute de ces activités avoisine les 88%, selon des données de l'ONS. "Aujourd'hui, les entreprises ne tournent qu'à hauteur de 20% de leurs capacités. Elles n'ont pas encore repris leur rythme habituel de travail", a affirmé il y a quelques jours Abdelouahab Ziani, président de la Confédération des industriels et producteurs algériens (Cipa) qui a affiché clairement sa crainte de voir ces entreprises disparaître si une aide ne leur était pas apportée. "Plus de 40% des entreprises notamment du BTPH, matériaux de construction... sont actuellement en voie de disparition", a-t-il constaté. Si l'on perd ces sociétés, créées il y a 10 ou 20 ans, a-t-il remarqué, "il sera difficile de les remplacer du jour au lendemain. Idem pour les ressources humaines qui sombreront dans une déperdition freinant ainsi l'évolution et l'essor des différents secteurs d'activité". Le secteur manufacturier, bien que ne représentant que 6% du PIB en 2019 en Algérie est sévèrement affaibli à cause de la fermeture temporaire des usines, du confinement des travailleurs et de la paralysie des chaînes d'approvisionnement aux plans national et international. La demande est également réduite dans des industries essentielles comme l'automobile, le textile, l'habillement, le cuir et la chaussure à cause des mesures de quarantaine, des fermetures de magasins, des annulations de commandes et des baisses de salaire. Absence de politique de prévention Le deuxième secteur impacté est le BTPH avec une baisse d'activité de 20 à 25%. L'Association générale des entrepreneurs algériens (Agea), parle de plus de 4 000 entreprises activant dans le secteur du bâtiment (BTPH) qui ont mis la clé sous le paillasson en 2020, à cause de la situation économique du pays, aggravée par la crise sanitaire due à la Covid-19. En ce qui concerne l'agriculture, la crise sanitaire a provoqué des perturbations dans l'accès aux produits alimentaires et "ébranlé" la sécurité alimentaire qui continue de dépendre pour 70% des importations de céréales et leurs chaînes d'approvisionnement. La sécurité alimentaire en Algérie a pour support essentiel les finances publiques et le marché mondial des produits alimentaires. Or, ces deux paramètres sont fortement impactés par la pandémie. Le secteur des transports a, lui aussi, été affecté par la crise sanitaire. Le transport aérien a dû s'arrêter pour limiter la propagation de la maladie. Après la fermeture des frontières au début de l'année 2020, la compagnie nationale Air Algérie a enduré des pertes dépassant les 320 millions de dollars, selon son propre bilan. Par ailleurs, les experts qui ont animé la rencontre sur les risques majeurs ont relevé à l'unanimité que la loi 04-20 du 25 décembre 2004 relative à la prévention des risques majeurs et à la gestion des catastrophes n'a jamais été appliquée dans toute sa dimension. Cette loi prévoit pourtant pour chaque risque majeur sur les 10 qu'elle a institués pour notre pays, l'élaboration d'un plan général de prévention adopté par décret. Ce plan doit fixer l'ensemble des règles et procédures visant à atténuer la vulnérabilité à l'aléa concerné et à prévenir les effets induits par la survenance de ce dernier (aléa). Sur les 30 textes d'application prévus, seuls 4 ont été promulgués, déplore la Délégation nationale des risques majeurs (DNRM). Les 26 autres ne sont pas élaborés à ce jour. Pis encore, cette loi est actuellement dépassée par les événements mondiaux auxquels l'Algérie a souscrit, notamment le cadre Sendai de 2015 qui a introduit de nouveaux concepts passant de gestion de la catastrophe à la gestion du risque de catastrophe. "En 16 ans, l'Algérie a dû dépenser 545 milliards de dinars dans des interventions après le déroulement des catastrophes. Près de 70% soit 374 milliards de dinars dans les inondations", indique M. Arfa. Les interventions post-événements de l'Etat sont évaluées en moyenne à 34 milliards de dinars/an, affirme-t-il. Rien que pour l'année 2020, l'Etat a déboursé la somme de 30 milliards de dinars dans des actions de gestion de ces catastrophes. Le rapport annuel de la Délégation signale l'absence d'une culture et d'une politique de prévention des risques majeurs au sein de la société. L'Etat, précise le document, a investi dans l'intervention et la lutte occultant ainsi les phases liées à la prévention, la prévision et le relèvement. Pour les experts de cette structure, les moyens de lutte demeurent inadaptés alors que les moyens de financements sont insuffisants.