À la veille d'une réunion de son conseil national qui se prononcera sur les élections législatives du 12 juin, le Front des forces socialistes a convié une partie de sa base militante à débattre de son initiative politique. La rencontre qui s'est déroulée hier à Sidi-Fredj devait être, essentiellement, consacrée à la rédaction de la copie définitive de l'initiative que le parti va soumettre aux partis politiques et associations pour recréer "le consensus national". Mais le spectre de la participation aux élections législatives du 12 juin prochain a relégué la convention nationale au second plan. Dans les allées du Centre international de jeunesse, les dizaines de militants et cadres présents ne parlent quasiment que de cela. "Les conditions de participation ne sont pas réunies", dit, sans ambages aux journalistes, Sofiane Chioukh, membre de l'instance présidentielle du parti. "Les militants sont partagés, mais si nous optons pour l'abstention, nous risquons de perdre beaucoup de nouveaux adhérents", consent, quasiment résigné, un membre du secrétariat national. Le climat était électrique à tel point que dans la salle, des participants à la convention ont scandé en chœur : "Ulac l'vot ulac" (il n'y aura pas de vote). Dans son discours d'ouverture, le premier secrétaire national, Youcef Aouchiche, n'avance aucune position. Il ne s'exprime pas sur la décision finale à adopter par rapport aux élections législatives, qui sera "laissée au conseil national", mais ses allusions ne font quasiment plus de doute sur les intentions de la direction du parti. Pour le dirigeant du FFS, le scrutin législatif "ne doit pas constituer un frein à la recherche d'une solution politique globale et démocratique". Plus que cela, le premier secrétaire national du parti estime que le pays a besoin "(...) d'apaisement pour créer les conditions de la construction d'un front intérieur solide pour faire face à toutes les manœuvres internes et externes qui visent à attenter à son unité nationale, à affaiblir l'Etat et à saper sa souveraineté". Et il n'est pas "trop tard pour tirer les leçons des expériences désastreuses qui ont nourri le désespoir, la défiance et la révolte", a-t-il estimé. La seule recommandation qu'il fait aux autorités politiques est celle de se "prévaloir, surtout dans ce contexte de fragilité politique et institutionnelle, d'un sens élevé des responsabilités". "Le sens de l'Etat exige de rompre avec les vieux schémas autoritaires et de renoncer aux méthodes de gestion bureaucratique et policière des affaires publiques et de la société", a-t-il ajouté. Sans le dire crûment ou plus clairement, le responsable du FFS a annoncé la rupture de son parti avec la partie la plus radicale du Hirak. Se montrant critique envers ceux qui véhiculent des "positions populistes, nihilistes et d'exclusion", Youcef Aouchiche propose de "réhabiliter le politique, de redonner toutes ses chances à la politique et de sortir du populisme et des discours nihilistes qui sapent le moral de nos concitoyens et nous éloignent de plus en plus de la solution politique". Plus que cela, il reproche aux élites de ne pas avoir su transformer "l'élan historique" né du mouvement populaire de 22 février "en un projet politique". Face à cela, le FFS a opté pour "la survie de l'Etat national algérien" et se dit disposé à explorer "avec des partenaires politiques, syndicaux et associatifs toutes les possibilités de sortie de crise qui préserve l'Algérie comme Etat et comme nation". En face de la direction nationale, des militants du parti ont affiché clairement leur refus de participer au scrutin du 12 juin. Dans une pétition signée par plus de 200 militants et militantes, parmi lesquels l'ancien premier secrétaire national Ahmed Djedaï et la juriste Nabila Smaïl, il est question de rejeter "avec force et détermination, dans le fond et dans la forme, la mascarade électorale du 12 juin 2021". Les militants signataires indiquent dans le document avoir "la conviction chevillée au corps que le changement démocratique ne parviendra nullement des simulacres électoraux organisés par un système oppresseur, corrompu et corrupteur, acculé et rejeté par l'écrasante majorité des Algériennes et des Algériens". Ils dénoncent la rencontre entre une délégation du parti et le chef de l'Etat, et exhortent les militants de leur parti à "se réapproprier les structures du parti, pour faire échec à toute tentative visant la normalisation et la dislocation du parti". Le document rappelle, également, que le passage d'un système autoritaire vers un système démocratique implique "l'amorce d'une transition politique indépendante qui s'accomplira par des mesures fortes d'apaisement et de libération de tous les détenus d'opinion, préparant les conditions à l'élection libre, honnête et transparente d'une Assemblée nationale constituante souveraine, prélude à l'avènement de la deuxième République". Au sein du conseil national qui se réunira ce matin à huis clos, les avis sont partagés. Mais un signe ne trompe pas : Nabila Smaïl, l'un des membres qui s'opposent farouchement à toute idée de participer au scrutin, a été suspendue à quelques heures de la tenue du conseil. Ce qui prouve que tout reste à faire, surtout que la direction du FFS devra "convaincre" de la justesse de son choix les partisans des deux options.