À deux semaines de la tenue d'une session extraordinaire de son conseil national qui tranchera la question de sa participation, ou pas, aux futures élections législatives prévues le 12 juin prochain, le FFS se cherche une voie. Entre une partie de la direction qui penche plutôt vers une participation au scrutin législatif, et une bonne partie de la base militante, soutenue par des membres de l'instance présidentielle, qui refuse un tel scénario, le plus vieux parti de l'opposition est tiraillé. Pendant de longs mois, les dirigeants du FFS, en proie à une crise interne qui a failli le scinder en deux, ont mené une politique proche du Hirak. Le parti a fait siennes les revendications du mouvement populaire et ses responsables ont participé quasiment à toutes les manifestations populaires. Mais cela a vite changé : le 14 février dernier, le premier secrétaire national du parti, Youcef Aouchiche, accompagné de Hakim Belahcel, membre de l'instance présidentielle, a été reçu par le chef de l'Etat dans le cadre des consultations sur la poursuite de la feuille de route du pouvoir. La rencontre a fait l'effet d'une bombe. À la stupeur que la rencontre a provoquée au sein de la base militante, s'ajoute la colère d'une bonne partie de la direction. Au sein de l'instance présidentielle, tout le monde n'est pas d'accord sur la nouvelle orientation du parti. Pour tenter de calmer les esprits et éteindre le brasier qui commençait à prendre au sein de la base militante dont certains membres se sont même montrés violents, la direction du FFS avait convoqué une réunion du conseil national pour le 6 mars dernier. La rencontre a été houleuse, selon la plupart des présents qui ont reproché à leurs camarades le fait d'avoir accepté l'invitation de la présidence de la République. "Les plus conciliants ont posé le problème du timing : personne n'est contre le dialogue, mais cela ne doit pas se faire selon l'agenda du pouvoir", rapporte un membre du conseil national. Contrairement aux usages, la réunion n'a pas été sanctionnée par une résolution. "La seule résolution que nous aurions pu produire aurait été de déjuger les deux responsables. Or, le parti est suffisamment divisé pour en rajouter. Nous avons donc préféré laver notre linge en famille", raconte un membre présent. Mais ces critiques d'une partie des membres du conseil national ne semblent pas avoir changé la donne. Hakim Belahcel et Youcef Aouchiche continuent de nourrir l'ambiguïté. S'ils affirment que la tenue d'une élection dans les conditions actuelles ne réglerait pas le problème du pays, ils n'excluent pas "une décision souveraine" de leur parti. Cette option est fortement appuyée par le conseiller du premier secrétaire, Samir Bouakouir, qui, lui, s'en prend même au Hirak et adopte un langage qui n'est pas très loin de celui des autorités. En face, d'autres dirigeants sortent de leur silence pour rejeter toute idée de participer aux élections législatives. C'est le cas de l'avocate Nabila Smaïl qui multiplie ces derniers temps les sorties publiques. Pour elle, "la base du FFS ne participera pas aux élections législatives" quelle que soit la décision de la direction. Une position que partagent des membres de l'instance présidentielle. C'est le cas de Sofiane Chioukh qui affirme à Liberté que "la persistance du pouvoir à organiser des élections législatives anticipées n'est qu'une suite du coup de force ayant déjà imposé un scrutin présidentiel et un référendum sur l'amendement de la Constitution, en faisant fi des revendications populaires". En attendant la réunion du 3 avril, les deux parties se livrent, en coulisse, à une campagne interne pour tenter de convaincre la base militante à se rallier à leur thèse. Ali Boukhlef