La junte qui a pris le pouvoir a vite montré son caractère répressif vu l'ampleur des violences contre les manifestants de l'opposition. Des victimes sont déjà enregistrées. Deux morts (dont une femme) et quelques blessés lors de manifestations et de rassemblements qui ont été tenus hier dans l'est de la capitale N'djamena et à Moundou au sud à l'appel de plusieurs partis de l'opposition et d'organisations de la société civile pour exiger un transfert aux civils du pouvoir de transition incarné par le Conseil militaire de transition (CMT) et dirigé par le fils de feu le maréchal Déby, mort au front. Lors de ces manifestations qui ont été interdites lundi par le CMT, car "susceptibles d'occasionner des troubles à l'ordre public", quelques dizaines de personnes se sont en effet rassemblées, notamment dans l'est de la capitale N'djamena, brûlant des pneus sur des axes secondaires, avant d'être rapidement dispersées par la police tchadienne, en faisant usage de tirs à balles réelles et de gaz lacrymogène. En début de matinée, des traces noires de pneus brûlés jonchaient le goudron. Pendant que d'autres brûlaient encore, les détonations de grenades de gaz lacrymogène ont résonné çà et là. Dans le quartier Walia, dans le sud de la capitale, un manifestant a été roué de coups par les forces de l'ordre. Premier chef d'Etat étranger à réagir à ces incidents, le président français, Emmanuel Macron, a en effet condamné "avec la plus grande fermeté la répression" au Tchad, affirmant : "Je veux être très clair. J'ai apporté mon soutien à l'intégrité et à la stabilité du Tchad très clairement à N'djamena. Je suis pour une transition pacifique, démocratique, inclusive, je ne suis pas pour un plan de succession." Macron a ajouté : "La France ne sera jamais aux côtés de celles et ceux qui forment ce projet. Le temps est venu de lancer un dialogue politique national ouvert à tous les Tchadiens." Cette réaction se veut une mise au point à l'endroit de l'opposition tchadienne qui accuse la France d'adouber la junte militaire, le CMT, qu'elle désigne comme "un organe illégal et illégitime adoubé par la France qui pense imposer aux Tchadiens une nouvelle dictature militaire". Craignant un accaparement du pouvoir par la junte, plusieurs partis politiques de l'opposition et des organisations de la société civile ont effectivement lancé des appels à des marches pacifiques pour réclamer le respect de la Constitution, le transfert du pouvoir aux civils et la dissolution du Conseil militaire de transition (CMT) créé suite au décès du président Idriss Déby. Ainsi en est-il de la convention tchadienne des droits de l'Homme qui a demandé à ses militants "épris de paix et de justice de sortir massivement" hier pour protester contre le CMT, coupable d'avoir abrogé la Constitution et dissous le gouvernement et l'Assemblée nationale. Le général Mahamat Idriss Déby, qui a pris le titre de président de la République et chef suprême des armées, a promis des "élections libres et démocratiques" dans 18 mois. La junte militaire au pouvoir a aussi nommé lundi Albert Pahimi Padacké, dernier Premier ministre d'Idriss Déby Itno, chef du gouvernement de transition. Cet ancien candidat à la présidentielle d'avril 2021 doit mener des consultations pour la formation d'un gouvernement dans les prochains jours, indiquent les médias de ce pays. Cela intervient quelques jours après le refus par le Conseil militaire de transition de négocier avec les rebelles, accusés d'avoir tué le chef d'Etat Idriss Déby Itno.