L'expert en pétrole, Mohamed Saïd Beghoul, estime, dans cet entretien, que tout retard dans l'application de la loi sur les hydrocarbures produira des effets négatifssur le secteur pétrolier dont l'ambition est d'attirer l'investissement étranger. Liberté : La nouvelle loi sur les hydrocarbures adoptée en 2019 n'est pas officiellement mise en œuvre du fait des retards dans l'élaboration des textes d'application. A quoi attribuez-vous ces retards ? Mohamed Saïd Beghoul : La loi, en tant que telle, est entrée en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel, soit le 22 décembre 2019, mais son exécution ne commence à courir qu'après la promulgation des textes d'application y afférents. Ces textes vont préciser, selon l'article 236, les modalités d'application de cette loi et notamment en matière de mode de calcul de certains paramètres techniques, économiques et fiscaux. Il est vrai qu'il y a retard au vu de l'urgence et de la nécessité de lancer le 5e appel d'offres dans le domaine de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures. A mon avis, face à l'instabilité politique que traverse le pays, aux changements fréquents de responsables et à la situation du marché pétrolier, la commission chargée de l'élaboration des textes semble préférer temporiser. Aujourd'hui, la conjoncture de l'industrie pétrolière n'est pas favorable à l'investissement, au vu des prix actuels du baril de brut. Est-ce un bon choix ? Je pense que rien n'empêche la préparation des textes d'application, car si on veut on peut. Ce n'est que depuis juin 2020 que ces textes ont commencé à être pris en main, ce qui a permis d'en finaliser près de 75% rien qu'au cours de la même année. Ces retards sont pour l'essentiel de nature administrative. Auront-ils une incidence sur la mise en œuvre du plan stratégique du secteur pétrolier ? Bien évidemment, vu le désir de Sonatrach qui, en septembre 2019, avait fait savoir, à travers un rapport rendu public, que la production d'hydrocarbures en partenariat est en perte de vitesse, alors qu'elle contribuait à hauteur de 33% en 2007, contre 25% en 2019, tout retard dans l'application de la loi impactera, de facto, les ambitions du secteur à vouloir attirer, en urgence, les investisseurs et répondre à la stratégie de la compagnie nationale des hydrocarbures. Estimez-vous que cette loi constitue une bonne base pour drainer l'investissement étranger vers le secteur national des hydrocarbures ? Espérons, mais soyons réalistes. Malgré l'allègement fiscal, la loi numéro 19-13 ne pourra être un "remake" de celle 86-14 du fait que le domaine minier algérien est arrivé à un stade de maturité exploratoire assez avancé, donc à risque géologique et commercial. Les gisements découverts, pris isolément, sont désormais à la limite de rentabilité dans les bassins matures. Les investisseurs vont dans un pays en géologues d'abord, la fiscalité vient ensuite. Drainer de modestes partenaires lors du prochain appel d'offres ne poserait pas de problèmes mais espérer un engouement des majors suite à cette loi pour un partage de production, cela va être difficile.