En dépit des conditions peu favorables de la journée d'hier, une grandiose marée humaine a, encore une fois déferlé sur la ville de Tizi Ouzou pour prendre part à la marche du 116e vendredi de l'insurrection populaire pour le changement radical de système. La température était, en effet, anormalement élevée pour une journée du printemps et le jeûne était éprouvant durant ces derniers jours du mois sacré, mais ce n'était, visiblement, pas assez pour dissuader les milliers de manifestants qui ont déjà, par le passé, fait preuve d'autant de résilience, de constance et de détermination même sous de torrentielles pluies en hiver et sous des températures qui dépassaient les 50° en été. Il était 13h lorsque, comme à l'accoutumée, la manifestation a débuté suivant un rituel désormais reproduit à la perfection chaque vendredi. Sur l'esplanade du stade du 1er-Novembre, que la police occupe durant toute la semaine, mais qu'elle cède de manière tacite à l'arrivée des premiers manifestants du vendredi, une imposante foule s'est déjà rassemblée, brandissant banderoles et drapeaux et reprenant en chœur chants et slogans. 13h30, la deuxième grande vague de manifestants arrive en provenance du centre-ville, en empruntant le boulevard longeant le CHU Nedir-Mohamed. Les deux foules venaient à peine de se mélanger que le coup d'envoi est donné. L'immense marée humaine s'ébranle alors aux cris de "Grève générale, yaskout nidham" (grève générale pour faire chuter le système). Le slogan n'a pas tardé à faire tache. Il est repris par tous les manifestants dans tous les carrés de la marche. Dans l'un des carrés de la marche, ce même mot d'ordre a été transcrit sur plusieurs larges banderoles et sur des dizaines de pancartes. Mais dans la ligne de mire des manifestants, il y avait aussi les élections législatives du 12 juin prochain. "Dhi Tizi, ulac l'vot" (à Tizi Ouzou, il n'y a pas de vote), "Ulac l'vot ulac", scandaient bruyamment les manifestants tout au long de cette marche qui, en atteignant le boulevard Abane-Ramdane, laissait aisément comprendre, de par le nombre de participants, que la mobilisation de la population demeurait intacte. Sur des pancartes brandies par-dessus les têtes on pouvait lire : "Le peuple n'a pas besoin d'élections. Rendez l'Algérie aux Algériens. Rendez-nous la plateforme de la Soummam", et encore "Pas d'élection tant que vous ne respecterez pas les règles de la démocratie." Comme chaque vendredi, la foule n'a pas oublié les détenus d'opinion dont elle ne cessait de réclamer la libération tout en brandissant leurs portraits. "L'opinion n'est pas un délit", "Le journalisme n'est pas un crime", "Halte à l'instrumentalisation de la justice", " Halte à la répression des militants politiques", lit-on sur des pancartes auxquelles sont accrochés des portraits du journaliste Rabah Karèche, du militants Lounès Hamzi et d'autres encore. Sur d'autres pancartes, on pouvait lire des messages de soutien aux agents de la Protection civile réprimés au courant de la semaine écoulée à Alger. À noter que la marche d'hier a été marquée par la participation de la fondation Matoub-Lounès, à sa tête Malika Matoub qui brandissait le portrait du détenu Lounès Hamzi.