La marche du 114e vendredi de l'insurrection populaire du 22 Février 2019 a drainé, hier, à Tizi Ouzou, une marée humaine encore jamais vue dans la rue depuis la reprise des manifestations hebdomadaires il y a maintenant deux mois. La double célébration, il y a tout juste trois jours, du Printemps berbère d'Avril 1980 et du Printemps noir de 2001 n'a, certes, pas manqué de revigorer et nourrir davantage la flamme de la lutte, jamais éteinte, dans cette région, mais il y a, visiblement, aussi les dernières cabales judiciaires qui ont fait de nouvelles victimes, et également les attaques racistes dirigées contre la Kabylie qui ont, à vrai dire, revigoré la rue. À 13h déjà, soit une demi-heure avant l'heure habituelle du départ de la marche, ils étaient plusieurs milliers de manifestants, hommes et femmes, à se rassembler sur l'esplanade du stade du 1er-Novembre que la population s'est réapproprié depuis début mars dernier, après plusieurs vendredis de répression. Au fil des minutes qui passaient, la foule ne cessait de grossir pour finir par se transformer en une immense marée humaine à 13h30, l'heure du départ de la grande démonstration de force. À l'instar de la grandiose marche de célébration du 20 Avril, la marche s'est ébranlée sous les cris de "Pouvoir assassin" et "Ulac smah ulac", pour ainsi réaffirmer que la Kabylie n'est pas près d'oublier ni encore de pardonner ses 128 martyrs tombés sous les balles des gendarmes en 2001 et qu'elle réclame toujours justice pour ces massacres. Ces slogans scandés d'entrée de jeu ont été appuyés par de nombreuses banderoles et pancartes sur lesquelles on pouvait lire, entre autres, "Justice pour les martyrs du Printemps noir", "Avril 80-Avril 2001 : ulac smah ulac, le combat continue". L'impressionnante marée humaine n'avait pas encore dépassé le CHU Nedir-Mohamed que d'autres slogans ont commencé à fuser, pour exprimer à nouveau son rejet des élections et réclamer la libération des détenus d'opinion. "Ulac l'vot ulac" (pas d'élection), "Tilleli I mehvas n'aray" (liberté pour les détenus d'opinion) et "Anelhu anelhu alama yeghli udavu" (on va marcher jusqu'à la chute du système). Sur le boulevard Abane-Ramdane, il était évident que la marche d'hier dépassait largement celles de tous les vendredis depuis la reprise des manifestations en février dernier. Il était, en effet, difficile d'avancer même sur les trottoirs. Un décor qui n'est pas sans rappeler les grandioses mobilisations des premiers mois de l'insurrection populaire. Au dessus des têtes, outre le drapeau national et l'emblème amazigh, qui étaient tous deux présents par centaines, et aussi des slogans habituels réclamant le départ du système, il y avait aussi des pancartes et des banderoles à ne plus pouvoir toutes les lires. "Une conscience éclairée, une plume éclairante au service du peuple", "Libérez Rabah Karèche, libérez la presse, libérez l'Algérie. Le journalisme n'est pas un crime", lit-on sur un bon nombre de ces pancartes et banderoles sur lesquelles est accroché, à chaque fois, le portrait de ce journaliste de Liberté emprisonné pour ses écrits à Tamanrasset. Sur d'autres pancartes on pouvait lire des messages de soutien à Saïd Djabelkhir, l'islamologue condamné, avant-hier, à 3 ans de prison ferme. "Libérez Djabelkhir, poursuivez Bensdira", " La liberté de pensée et le fondement de la paix", pouvait-on lire et entendre tout au long de cette marche au cours de laquelle les manifestants brandissaient des centaines de pancartes réclamant la libération de tous les détenus d'opinion dont Lounès Hamzi et Mohamed Tadjadit.