La répression, la fermeture des accès aux lieux habituels de rassemblement et une présence policière impressionnante ont fait avorter ce qui devait être le 118e vendredi du mouvement populaire. Ceux qui avaient coutume de participer aux traditionnelles marches de vendredi s'attendaient probablement à de nouveaux obstacles, car le scénario du 117e vendredi avait suffisamment démontré que le pouvoir était déterminé à aller jusqu'au bout de sa logique en décidant d'empêcher toute velléité de rassemblement ou de marche dans la capitale. Cela avait commencé par le blocage de nombreuses artères, des arrestations et la répression qui allait crescendo au fil des semaines jusqu'au dernier communiqué du ministère de l'Intérieur annonçant carrément que les marches étaient illégales et que les initiateurs se devaient d'introduire une déclaration dans laquelle devraient être consignés les noms des organisateurs, l'itinéraire et les slogans. Mais, personne ne pouvait s'imaginer que la marche allait être brisée. "Nous avons été frappés par le nombre impressionnant de policiers déployés dans Alger", confie l'économiste Smaïn Lalmas, une des figures du Hirak populaire depuis plus de deux ans. Il évoque un chiffre de près de 70 000 policiers déployés et justifie l'absence de la manifestation par la "fermeture de tous les accès aux places habituelles de rassemblement". Pour le politologue et militant Sofiane Sekhri, "la répression exercée par les forces de l'ordre donnera, à coup sûr, une très mauvaise image des services de sécurité". "La question que je me pose est de savoir si le pouvoir pourra tenir encore ce rythme de mobilisation ?" s'interroge encore Smaïn Lalmas qui se demande si l'argent alloué pour cette entreprise ne devait pas plutôt aller à la santé ou à l'éducation. Sur le plan politique, l'interdiction de cette manifestation signifie que "contrairement à ce que disait M. Tebboune, les marches dérangent le pouvoir", explique Lalmas. "Les manifestations ont été un réel danger pour le pouvoir", estime-t-il. Pour Sakhri, cette répression vise à "assurer au pouvoir" une élection sans accroc. Or, "en principe, une élection vise à trouver des solutions à une crise" politique "ce qui suppose qu'on doit chercher le consensus et non pas l'affrontement". Au-delà de l'interdiction de la marche elle-même, ce qui s'est passé vendredi interpelle les militants et les observateurs et questionne sur l'avenir du Hirak. Pour Sofiane Sekhri, cette répression rappelle au Hirak la nécessité d'élaborer "une feuille de route" et "d'émettre des propositions". "Ce qui ne signifie pas une organisation", précise-t-il toutefois. En revanche, Smaïn Lalmas pense que "le Hirak pourra rebondir" et trouver de "nouvelles formes de lutte". "Le Hirak est une dynamique révolutionnaire dont les manifestations ne sont qu'un outil parmi tant d'autres pour exercer une pression sur le pouvoir. Nous allons donc nous adapter et trouver une nouvelle forme de lutte", a-t-il dit tout en rappelant, comme exemple, la reprise des manifestations après une année de gel suite à la survenue de la Covid-19 "alors que tout le monde pensait que le Hirak était mort". De toute façon, "le pouvoir doit savoir qu'il ne peut pas construire l'Algérie sans les Algériens", tranche Lalmas qui rappelle que la seule "possibilité de construire l'Algérie est de s'éloigner de la répression". "Le seul moyen de sauver l'Algérie et de continuer la révolution pacifique", rappelle Smaïn Lalmas. Pour cela, "les composantes du Hirak doivent aller vers les points de convergence pour pouvoir discuter, enfin, avec le pouvoir, une feuille de route pour sortir le pays de la crise", propose de son côté Sofiane Sekhri, qui se joint ainsi à de nombreuses personnalités qui appellent à une conférence nationale des acteurs du mouvement populaire.