À J-2 de la tenue des élections législatives anticipées, la Kabylie retient son souffle. De mémoire de la population de la région, jamais une élection n'a suscité autant d'inquiétude et d'interrogations. Inquiétude sur son déroulement dans un climat de crise multiple, politique, économique et sanitaire. Interrogation sur son issue qui demeure, de l'avis général des observateurs politiques, un saut dans l'inconnu. En Kabylie, si la défiance citoyenne envers le pouvoir ne date pas d'aujourd'hui, elle est renforcée, cette fois-ci, contrairement à la présidentielle et au référendum, par la répression déclarée par le pouvoir contre le mouvement populaire du 22 Février 2019 et le MAK classé "organisation terroriste". Comme cela ne suffisait pas, il fallait ajouter les discours haineux de certains politicards dirigés contre la Kabylie durant cette campagne électorale ; si toutefois c'en est une. Des politicards en manque de programme politique, et qui ne trouvent pas mieux que de souffler sur le brasier kabyle en toute impunité. C'est donc dans une atmosphère politique très tendue que ces législatives anticipées interviennent. Le pouvoir craint une disqualification inédite de son élection qui risque de peser sérieusement sur la représentativité d'une Assemblée populaire nationale (APN) sans la représentation légitime de toute une région. Pour parer à cette situation, les décideurs ont pris leurs dispositions en actionnant la justice. Des sanctions pénales ont été prévues pour "les actes de destruction ou d'enlèvement d'urnes, d'atteinte au déroulement du scrutin et troubles aux opérations de vote". Tout laisse présager un rejet inédit des élections d'autant plus que, en sus du rejet des élections par le Hirak, la population locale est confortée par le boycott lancé par les deux partis politiques bien ancrés dans la région, à savoir le FFS et le RCD. Si les taux de participation à l'élection présidentielle de décembre 2019 et au référendum de novembre 2020 étaient quasi nuls, les deux rendez-vous électoraux avaient été marqués par des "incidents" ayant compliqué sérieusement la tâche aux organisateurs. À rappeler que dans la wilaya de Bouira, des manifestations violentes ont émaillé le référendum du 1er novembre 2020. Les affrontements entre les forces de l'ordre — qui avaient utilisé des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc — et les manifestants avaient fait des blessés et occasionné des arrestations parmi ces derniers. D'où l'appréhension générale de ce scrutin du 12 juin. Devant ces appréhensions légitimes, des voix lucides appellent la population juvénile à éviter la violence et la confrontation. Il faut rappeler aussi qu'en 2002, une situation similaire avait été vécue en plein Printemps noir. Des députés avaient été élus avec une dizaine de voix et leur élection validée.