Le chef de l'Etat n'exclut pas la possibilité de jumeler les élections législatives et les locales. Un pari qui peut s'avérer techniquement difficile à tenir au regard de l'extrême complexité de l'opération. Lors d'une interview accordée à deux journalistes algériens, le chef de l'Etat a annoncé la possibilité d'organiser une élection jumelée entre les législatives et celles du renouvellement des Assemblées populaires de wilaya. "Il n'est pas à écarter l'organisation des élections législatives et locales à la même date. Cela représente une revendication légitime de la classe politique", a, en effet, indiqué Abdelmadjid Tebboune, assurant qu'il s'agit d'une "revendication de partis politiques". Abdelmadjid Tebboune n'a pas expliqué ce choix, ni les raisons, mais il l'a justifié, à demi-mot, par la volonté des autorités de faire des économies. Toutefois, il ne se montre pas formel. "La décision est quasiment acquise, mais elle n'est pas encore définitive", tempère-t-il. Cette consultation électorale aura donc lieu concomitamment aux élections législatives qui, selon le chef de l'Etat, auront lieu "dans trois mois". Abdelmadjid Tebboune donne ainsi publiquement, et pour la première fois, une indication sur la date probable de la tenue du scrutin. Il se déroulera en juin prochain comme l'a confié le chef de l'Etat à des personnalités qu'il a reçues récemment. Contrairement à une partie de la classe politique, le chef de l'Etat ne semble pas se soucier du taux de participation lors de ces élections. Histoire, peut-être, d'anticiper sur une éventuelle désaffection populaire, comme lors des précédents scrutins, la présidentielle et le référendum populaire. "Traditionnellement, le taux de participation est plus faible lors d'élections législatives, y compris dans les grandes démocraties", anticipe Abdelmadjid Tebboune en réponse à une question sur la crainte de voir ces élections législatives boudées par les électeurs. Puis, "la Constitution ne prévoit pas un seuil minimum de participation pour valider une élection", a-t-il ajouté, tout en estimant que "de toute façon, les assemblées seront composées de ceux qui sortiront des urnes". Une réflexion qui l'a amené à s'expliquer, pour la première fois, sur les faibles taux de participation enregistrés lors de l'élection présidentielle de décembre 2019 et le référendum constitutionnel de novembre dernier. S'il rappelle que "près de 10 millions" ont voté lors de l'élection présidentielle, "sur 12 millions de manifestants du Hirak", le chef de l'Etat a justifié le faible taux de participation lors du référendum constitutionnel par "les rumeurs colportées sur son état de santé". À l'époque, le chef de l'Etat était en Allemagne pour des soins. "Des voix avaient alors diffusé des informations selon lesquelles j'étais mort." Cela a suscité, selon lui, des inquiétudes parmi la population. II a, d'ailleurs, dénoncé ces "rumeurs". Pour mobiliser plus d'électeurs, Abdelmadjid Tebboune compte sur "les zones d'ombre qui contiennent 8 millions d'habitants". "C'est dans ces régions qu'on a le plus voté", a-t-il fait valoir. Puis, s'appuyant sur "une étude", il indiquera que "seuls 25% de la population sont investis en politique, le reste étant constitué de citoyens lambda qui votent" dans différentes échéances électorales. Ce qui, en revanche, est certain, c'est que pour le chef de l'Etat, le gouvernement sera totalement changé après ce scrutin législatif. " Il est indécent d'imposer un nouveau gouvernement aux Algériens, alors que nous nous apprêtons à tenir des élections législatives anticipées qui peuvent donner une majorité issue de l'opposition", a-t-il avancé. Il a, d'ailleurs, invité les activistes du Hirak à "se mettre à l'épreuve" des élections. Ces annonces confirment en tout cas que le chef de l'Etat maintient, pour l'instant, son agenda. Parce que, comme "des millions d'Algériens, nous croyons au changement par la voie institutionnelle", dit-il. "Les revendications du Hirak sont satisfaites" Et pour ceux qui considèrent que le retour du Hirak — particulièrement depuis la célébration du deuxième anniversaire marqué par de nombreuses marches à travers le pays — suggère qu'aucun changement notable n'a été accompli, Abdelmadjid Tebboune soutient le contraire. "Au deuxième anniversaire du Hirak populaire, le peuple est sorti pour commémorer cette occasion, toutefois, une partie est sortie pour d'autres raisons qui ne sont pas toutes en phase avec les revendications du Hirak authentique", a-t-il dit. Selon lui, les revendications soulevées par les manifestants "ont été satisfaites pour la plupart". Pour illustrer son propos, il a cité l'annulation du 5e mandat, le changement du gouvernement et la dissolution du Parlement, réaffirmant son engagement à satisfaire les 54 points contenus dans son programme de campagne électorale. Au regard du bilan qu'établissent les autorités des deux années de manifestations publiques et la réaction du mouvement populaire, il apparaît clairement qu'un grand fossé les sépare. Alors que les manifestations ont repris de plus belle depuis vendredi dernier avec des revendications presque identiques à celles exprimées aux premiers mois du mouvement, du côté du pouvoir, on tente visiblement de minimiser l'ampleur des marches. Toujours dans le déni et sans compter les accusations à l'encontre de certains slogans considérés comme inspirés, les autorités publiques ne semblent pas disposées à lâcher du lest et encore moins à renoncer à leur agenda politique et électoral. Face à un mouvement dont la mobilisation ne faiblit pas, le chef de l'Etat oppose le nombre de votants lors de la dernière présidentielle. "Quelles que soient les revendications, pour moi, ce sont 10 millions qui sont allés voter lors de la présidentielle pour sauver la République." S'il est établi que les pouvoirs tentent de réduire de l'importance du mouvement populaire, deux ans après son irruption, la réponse ne s'est, toutefois, pas fait attendre. Plusieurs marches ont eu lieu hier en guise de réponse. Et pour Tebboune, le slogan appelant à "un Etat civil et non militaire n'a pas changé depuis 15 ans". Il a expliqué que cette revendication est apparue "depuis qu'une catégorie a commencé à suivre des stages dans des pays africains et européens où on leur enseigne comment renverser le système de l'intérieur en utilisant le slogan Etat civil et non militaire et autres". "Le régime algérien est bien défini aujourd'hui. Le peuple algérien est sorti dans les rues et nous avons réalisé ses revendications", a tranché le président Tebboune, considérant, en outre, que "le peuple a choisi les élections et a préféré un changement institutionnel".
Ali BOUKHLEF/M. M. "Je ne démissionnerai pas" ■ Interrogé sur les rumeurs qui le donnent comme démissionnaire, Abdelmadjid Tebboune a été catégorique. "Je ne démissionnerai pas. Je ne vais pas trahir les millions de citoyens qui ont voté pour moi en démissionnant", a-t-il martelé, tout en assurant que c'est lui "qui décide !".