Une contrebande qui s'est installée à Constantine au lendemain des restrictions sanitaires décidées par le gouvernement, dont la fermeture des débits de boissons alcoolisées, a pris le relais pour faire du commerce informel des alcools, une ressource lucrative échappant à tout contrôle. Alors que les bilans d'activité des services de police font état régulièrement de démantèlement de réseaux de commerce illicite de boissons alcoolisées, d'interpellations des contrevenants aux règles strictes régissant cette activité et de saisies records des produits et revenus de cette pratique, la prolifération des points de vente clandestins ne cesse de s'accentuer. Un trafic florissant, jadis cantonné à la périphérie des centres urbains mais qui semble gagner du terrain en s'installant abruptement au cœur des quartiers résidentiels et cités d'habitations peuplées. À Constantine, ce phénomène qui a pris, ces derniers temps, les allures d'un véritable fléau, hante la quiétude des habitants. Une contrebande qui s'est installée dans cette ville au lendemain des restrictions sanitaires décidées par le gouvernement, dont la fermeture des débits de boissons alcoolisées, a pris le relais pour faire du commerce informel des alcools, une ressource lucrative échappant à tout contrôle. La mesure de fermeture de ce type de commerce demeure toujours en vigueur à Constantine, au moment où, dans la majorité des villes du pays, ce business a repris progressivement ses droits. Dans certaines cités de Constantine, les transactions se font à l'entrée même des immeubles et dans les cages d'escaliers. Des appartements ont été carrément transformés en dépôts de boissons alcoolisées. Dans des quartiers huppés comme dans les nouvelles agglomérations ou encore au cœur de la vieille ville, les va-et-vient des commissionnaires de cette revente illicite, guetteurs et acquéreurs sont légion. Scènes récurrentes à longueur de journées dans des ruelles de Souika, de La Casbah, d'Oued El-Had et même à Bellevue, à Sidi Mabrouk ou encore dans les différentes unités de voisinage de la nouvelle ville Ali-Mendjeli et autres terrains vagues. On y propose une palette de produits, y compris des psychotropes, à une catégorie de clientèle relativement jeune. D'autres, pour échapper aux descentes impromptues des membres du service d'ordre, exercent ce commerce dans des véhicules transformés en véritables comptoirs mobiles. Même la livraison à domicile moyennant un surcoût de la course en sus du prix déjà élevé du produit est prise en compte par ce trafic. Les consommateurs "avisés" disposent en effet d'un agenda de livreurs "dynamiques et efficaces" selon eux et "prompts à répondre à tous les appels et à toutes les commandes". "Il faut juste y mettre le prix", dit Kader, un consommateur régulier d'alcool. Il affirme n'avoir jamais souffert de la prohibition qui frappe ce commerce pourtant réglementé. Il dit ne pas comprendre "le rigorisme des autorités locales de Constantine qui interdisent un commerce légal et mobilisent en même temps de gros moyens pour lutter contre sa forme informelle". Pour lui, "aucune loi n'interdit la production, le commerce et la consommation d'alcool et l'expérience a démontré que la prohibition engendre fatalement des fléaux sociaux lourds de conséquences". "Ce à quoi nous assistons actuellement et qui risque de s'aggraver avec le maintien de la fermeture des bars et débits de boissons dûment agréés", estime-t-il. Même la nature en pâtit L'environnement n'est pas en reste quant aux dommages causés par ce trafic, pratiqué également dans les terrains vagues et forêts dans ce que l'on appelle communément dans cette ville "Mista". La bière est fraîche et le vin chambré à la convenance du client qui peut savourer sa prise sur place, loin des regards. Ce sont néanmoins, autant de buvettes itinérantes que de décharges de canettes et de bouteilles vides surtout, abandonnées en pleine nature. Nombreux sont aussi les buveurs qui préfèrent consommer leurs "emplettes" sur le bord de la route ou même en voiture balançant bouteilles et canettes à la lisière des voies carrossables et au milieu des champs et plantations. Encouragés qu'ils sont par la nature de l'acquisition de leur boisson au marché informel, ils ne se sentent guère tenus par les préceptes du civisme, en agressant leur environnement immédiat. Seulement, avec l'arrivée de la saison des grandes chaleurs, ces décharges sauvages constituent des facteurs de risques et peuvent être à l'origine d'incendies et de feux de forêts aux conséquences désastreuses. Loin de disposer d'une variété d'échoppes de vins et liqueurs proprement dites, Constantine ne dispose que de cinq espaces entre bars-restaurants et débits de boissons alcoolisées, tous installés à la zone industrielle Le Palma, à la périphérie immédiate de la ville. Fermés depuis plus de quinze mois, à la suite des restrictions sanitaires décidées par les autorités, ces derniers demeurent toujours interdits d'exercice en dépit de la levée des mesures limitatives pour tous les commerces dont les cafés, restaurants et autres espaces de détente. Le hic c'est que cette interdiction n'est aucunement motivée de manière officielle aux gérants de ces établissements qui n'ont reçu aucune notification des services concernés, la DCP et la sûreté de wilaya en l'occurrence. "Nous sommes pourtant à jour avec le fisc et autres cotisations de la sécurité sociale que nous avons assumées y compris après la fermeture de nos commerces en raison de la pandémie. Mais il est clair qu'aujourd'hui nous faisons face à une interdiction qui ne dit pas son nom. Nous ne sommes plus en mesure d'assumer nos charges fiscales car nous en pâtissons à l'instar de nos employés", disent-ils. C'est que cette situation a occasionné, selon eux, de grosses pertes pour leur commerce car en sus de l'inactivité, ils ont perdu une partie de leurs stocks pour cause de péremption tandis qu'au marché parallèle nul ne se soucie de ce critère. Fermeture sélective ? Il y a quelques jours, le gérant d'un débit de boissons a rouvert son magasin pendant deux heures de temps avant d'être rappelé à l'ordre par des policiers qui ont exigé une autorisation de réouverture délivrée par la DCP de Constantine, laquelle se justifie par le fait de n'avoir reçu aucune instruction en ce sens de la part du premier responsable de la wilaya. Un rappel suffisant pour obliger les autres gérants à maintenir leurs rideaux baissés au grand dam de leurs employés, privés de ressources depuis plus de quinze mois et contraignant une clientèle fidèle à recourir à l'approvisionnement auprès de revendeurs informels ou à faire de longs déplacements dans des villes voisines. Aussi, ils s'interrogent sur les véritables dessous de cette interdiction au moment où deux établissements établis dans la localité d'El-Khroub, un bar-restaurant et un hôtel, sont autorisés à exercer, notamment en ce qui concerne la commercialisation des boissons alcoolisées, depuis plusieurs semaines déjà. Une bizarrerie qui concerne également l'hôtel Protéa Panoramic, interdit lui aussi de reprendre la commercialisation des boissons alcoolisées après la plage restrictive due à la pandémie alors que d'autres établissements hôteliers de la ville de Constantine ont repris normalement cette activité. Dans une lettre adressée, il y a quelques jours, à la Direction de la réglementation de la wilaya de Constantine (Drag), les cinq gérants de ces établissements ont sollicité l'autorisation de réouverture de leurs commerces expliquant qu'ils veilleront au respect strict du protocole sanitaire et que la fermeture pendant plus de 15 mois a lourdement impacté leur activité et généré des difficultés financières qui se sont répercutées sur les revenus de leurs employés, des pères de famille pour la plupart. Entre-temps, la contrebande de l'alcool bat son plein dans la ville des Ponts.