Le nouveau Premier ministre libanais désigné, Najib Mikati, devait entamer hier des consultations avec les principaux blocs parlementaires en vue de former un gouvernement longtemps attendu dans un pays qui s'enfonce dans une crise sans fin. Avec une fortune estimée à 2,7 milliards de dollars selon le magazine Forbes, M. Mikati, un homme d'affaires de 65 ans, est perçu par beaucoup dans son pays comme l'un des symboles d'un pouvoir accusé de corruption et de népotisme et est soupçonné d'enrichissement illicite. Le Liban, en plein naufrage économique, est géré depuis près d'un an par un gouvernement intérimaire qui se charge uniquement des affaires courantes. Il s'agit du gouvernement de Hassan Diab, qui avait démissionné dans la foulée de l'explosion gigantesque au port de Beyrouth en août dernier, ayant tué plus de 200 personnes et alimenté la colère de la rue contre la classe dirigeante. Le vide institutionnel entrave tout éventuel plan de sauvetage financier pour le Liban, qui a fait défaut sur sa dette en mars 2020 et a, depuis, sombré dans ce que la Banque mondiale qualifie d'une des crises les plus graves au monde depuis le milieu du XIXe siècle. Najib Mikati, déjà deux fois Premier ministre, a été désigné lundi, quelques jours après la récusation de Saad Hariri. Dans une interview avec le quotidien libanais An-Nahar, il a promis de former une équipe "purement 'technique'", loin des considérations politiques ou politiciennes traditionnelles. Mais la désignation de M. Mikati, homme le plus fortuné du Liban et originaire de la ville de Tripoli, l'une des plus pauvres du pays, suscite le scepticisme général. En 2019, il a fait l'objet de l'ouverture d'une enquête pour "enrichissement illicite" dans le sillage du mouvement de contestation inédit contre la classe dirigeante. Il s'agit depuis fin août 2020 du troisième Premier ministre désigné pour former un gouvernement de "mission" réclamé à l'international, notamment par la France, qui a proposé l'an dernier un plan de réforme économique et de lutte anticorruption en contrepartie du déblocage d'une aide financière cruciale. Lundi, Najib Mikati avait affirmé que la mise en œuvre de l'"initiative française" constituerait l'une des principales "priorités" du prochain cabinet. Les réunions mardi avec les blocs parlementaires constituent une démarche officielle après la désignation d'un nouveau Premier ministre, mais les vraies tractations entre les partis au pouvoir n'ont toujours pas commencé. S'il réussit là où ses deux prédécesseurs ont échoué, M. Mikati devra conduire le pays vers les élections législatives prévues l'an prochain. Sa réforme fait partie des demandes pressantes de la communauté internationale dans le cadre d'un vaste programme d'aide. En attendant, le FMI devrait verser environ 900 millions de dollars au Liban sous forme d'allocations de droits de tirages spéciaux (DTS) visant à aider les Etats membres à augmenter leurs liquidités en devises étrangères. R. I.