Dans le viseur de Kaïs Saïed, le parti islamiste risque gros, surtout si les enquêtes le visant s'avèrent fructueuses. Son leader, El Ghennouchi, semble pour l'instant faire le dos rond. Après avoir été mis "out" du pouvoir suite au gel des activités du Parlement où il est majoritaire, le parti islamiste tunisien Ennahdha n'est pas au bout de ses peines : contrat de lobbying passé à la loupe des autorités, enquête pour une affaire de financement étranger et un de ses responsables assigné à résidence. Les autorités tunisiennes ont entamé des recherches pour vérifier l'authenticité d'un document portant le contrat de lobbying qui aurait été signé par le parti d'inspiration islamiste Ennahdha avec l'agence américaine Burson Cohn & Wolfe, pour un montant de 30 610 dollars, quelques jours après le coup de force du président Saïed qui l'a écarté du pouvoir. Un document publié sur le site du ministère américain de la Justice détaille un contrat entre l'agence internationale de communication BCW LLC et une structure basée à Londres dénommée Ennahdha Party Diaspora Group. L'objectif de ce contrat daté du 29 juillet, quatre jours après que le président Saïed a suspendu le Parlement pour 30 jours, est d'aider le parti Ennahdha à "accéder à des acteurs-clés aux Etats-Unis, le soutenir dans le secteur des médias et le conseiller en communication stratégique". En 2019, année de l'élection présidentielle, des informations de presse ont, déjà, fait état d'un contrat similaire pour un montant de près de 300 000 dollars, suivant lequel l'agence s'engageait à "fournir au parti Ennahdha un soutien en matière de sensibilisation des médias et autres parties prenantes avant les différentes échéances électorales". Mais le parti islamiste tunisien a assuré dans un communiqué publié aux médias vendredi n'avoir signé aucun contrat de lobbying, ni directement ni par l'intermédiaire de représentants. En Tunisie, il est interdit aux partis de recevoir des fonds de l'étranger, et les transferts de fonds de la Tunisie vers l'étranger sont strictement encadrés. La justice tunisienne a ouvert mi-juillet des enquêtes pour financement étranger de leurs campagnes électorales en 2019 au sujet de quatre partis politiques, dont Ennahda, qui assure n'avoir commis aucune infraction. Quatre membres du parti islamiste – dont des proches du chef de file d'Ennahda et président du Parlement, Rached Ghannouchi – ont également été interpellés la semaine dernière dans le cadre d'une enquête sur des heurts au lendemain des annonces du président. L'enquête a cependant été rapidement abandonnée. Cependant, Ennahdha n'est pas au bout de ses peines. Vendredi, le ministère de l'Intérieur tunisien a assigné à résidence un haut responsable d'Ennahda – qui a dénoncé la prise de contrôle des pouvoirs exécutif et législatif par le président Kaïs Saïed –, a annoncé vendredi ce parti islamiste modéré. Ennahdha a, en effet, indiqué qu' Anouar Maarouf, ancien ministre et l'un des dirigeants du parti Ennahdha, a été informé par les forces de sécurité qu'il a été assigné à résidence sans lui fournir une copie écrite ou un arrêté justifié émis par le ministre de l'intérieur, comme le stipule la loi. Ennahdha, qui exprime son "rejet de cette procédure illégale, qui a visé les juges, les militants et les politiciens", en appelle au président de la République pour "lever les procédures qui enfreignent les règles de la Constitution, du droit et des pactes internationaux". Anouar Maarouf est le membre le plus important de la formation politique ciblé depuis les décisions prises le 25 juillet par le président Kaïs Saïed et qualifiées de "coup d'Etat" par Ennahda. Plus de 10 jours après, le parti islamiste semble faire le dos rond. En adoptant un ton conciliant, son conseil consultatif souligne aussi l'engagement du parti pour le dialogue avec tous les acteurs nationaux, dont le président, afin de surmonter la crise complexe, de parvenir à la paix sociale et de mettre en œuvre les réformes nécessaires. La plus haute instance entre deux congrès du parti, qui a consacré jeudi ses travaux à l'examen de la situation générale dans le pays dans le cadre de "circonstances exceptionnelles" suite aux décisions présidentielles du 25 juillet, a aussi appelé à la nécessité d'accélérer la présentation du nouveau gouvernement devant le Parlement.