Le secrétaire général du Haut-Commissariat à l'amazighité, Si El-Hachemi Assad, avait souligné, en 2019, la nécessité d'amender la loi d'orientation sur l'Education nationale de janvier 2008 pour supprimer l'aspect facultatif de l'enseignement de tamazight à l'école. Insidieuse manœuvre ! Sous le fallacieux prétexte de la crise sanitaire, le ministère de l'Education nationale a tout bonnement décidé d'exclure l'enseignement de la langue amazighe du calendrier officiel et de la confiner dans la tranche horaire facultative. Une mesure discriminatoire qui a vite fait réagir la communauté des enseignants de cette langue qui ont rappelé le ministère à ses obligations constitutionnelles. Les premiers à s'être élevés contre cette décision sont les inspecteurs de langue amazighe, tous paliers confondus, qui ont saisi la tutelle, afin de donner suite au courrier du secrétariat général du ministère de l'Education nationale, émis sous le n°194, du 14 août 2021. Ces derniers se sont constitués, le 28 août dernier, en coordination nationale, après une assemblée générale extraordinaire qui s'est tenue au Centre d'information sur les droits de l'Homme de Béjaïa. L'un des porte-parole de cette organisation, Yahia Bellil en l'occurrence, a expliqué que "la tutelle ne semble pas mesurer les conséquences d'une telle décision qui va porter atteinte à la langue amazighe, qui redevient de fait facultative et hors programme puisque son enseignement est prévu en dehors du programme et des horaires officiels". Plus grave, enchaîne-t-il, "la décision est même en porte-à-faux avec la Constitution puisque la tutelle continue à s'inspirer de la loi d'orientation de 2008 qui veut que l'inscription au cours de tamazight soit soumise à une autorisation parentale". Tout en rappelant le gouvernement à ses obligations, Yahia Bellil a invité le pouvoir politique à changer cette loi d'orientation, qui est, selon lui, "largement en retard par rapport à la Constitution". Cela passe bien sûr, poursuit-il, "par un débat sérieux pour éviter les erreurs du passé". Aussi, dans leur missive adressée au ministre de l'Education, la Coordination nationale des inspecteurs de langue amazighe veut attirer l'attention du premier responsable du secteur "sur les arrière-pensées et les conséquences d'une telle décision, pour le moins surprenante". Il s'agit, pour eux, d'une exclusion "de l'enseignement de tamazight de l'emploi du temps alternatif de l'élève pour l'année scolaire 2021-2022". Ils ont rappelé, par la même occasion, les "devoirs de l'Etat envers l'enseignement de la langue amazighe et émis des propositions pour une meilleure prise en charge de cet enseignement, répondant effectivement aux ambitions des Algériens". Autre acteur important à réagir à cette décision ministérielle, les membres du conseil de wilaya de Béjaïa du Conseil national des directeurs des établissements du moyen (Cnadem), qui ont rendu publique une déclaration dans laquelle ils réclament "l'inscription de tamazight dans l'emploi du temps officiel et la réduction du volume horaire de la langue arabe et des mathématiques d'une seule séance pour éviter des troubles probables à la rentrée scolaire en attendant de trouver une solution par la tutelle". De son côté, la Fédération des associations des parents d'élèves regrette cette décision qui risque de provoquer une nouvelle polémique dans un contexte général extrêmement tendu. Joint par téléphone, le président de la Fédération de la wilaya de Béjaïa, Djoudi Touazi, a regretté l'existence d'un tel courrier à quelques semaines de la rentrée, "ce qui n'est pas fait pour apaiser les esprits après ce qu'a connu l'Algérie et la Kabylie en particulier", allusion aux incendies meurtriers. Quant à la réponse de la Fédération, elle se fera incessamment après la réunion de ses membres. De son côté, le président de l'Union des parents d'élèves de la wilaya de Béjaïa, Rachid Bedjaoui, estime que cette mesure constitue "une remise en cause du statut de la langue amazighe en tant que matière parce que redevenue de fait facultative". Mais la réponse collective interviendra après la réunion des membres de bureau, a-t-il assuré. À rappeler qu'à la fin de l'année 2019, le secrétaire général du Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA), Si El Hachemi Assad, avait souligné la nécessité d'amender la loi d'orientation sur l'Education nationale de janvier 2008 pour supprimer l'aspect facultatif de l'enseignement de tamazight à l'école. "Le verrou qu'il faut faire sauter est l'aspect facultatif de l'enseignement de tamazight. Il faut débattre davantage de la nécessité d'amender la loi d'orientation de l'éducation nationale. Cette loi doit s'adapter aux données de la Constitution de 2016 qui a élevé tamazight au rang de langue nationale et officielle", avait-il déclaré, à l'APS, en marge d'une réunion préparatoire du Forum de formation des enseignants de tamazight de la wilaya d'Alger.