La circulaire du ministère de l'Education qui rend facultatif l'enseignement de la langue amazighe pour les trois paliers a suscité la colère des enseignants et des parents d'élèves. Ils considèrent cette mesure anti-pédagogique. "Tamazight est en dehors de l'emploi du temps." C'est par cette phrase que Yahia Bellil, inspecteur de tamazight dans la wilaya de Béjaïa, a résumé la situation de l'enseignement de tamazight dans le pays. Le pédagogue, longtemps enseignant de la langue de Mammeri, a lancé ainsi un cri d'alarme après la réduction du volume horaire et la mise en dehors du programme pédagogique de l'enseignement de cette langue dans l'Education nationale. Officiellement, cette décision est liée à la nouvelle programmation induite par les mesures anti-Covid-19. Le département de Hakim Belabed a laissé le soin aux directeurs d'établissement de trouver une plage horaire pour les classes où les cours de tamazight sont dispensés. Dans le cas où cela ne serait pas possible, les élèves devront suivre ces cours en dehors du programme officiel. Au pire, cet enseignement sera sacrifié. La décision du ministère de l'Education a suscité l'ire des enseignants de tamazight en particulier et des militants de la cause amazighe en général. Tous ne comprennent pas cette annonce qui s'apparente à une action dirigée contre une langue qui dispose pourtant d'un statut qui la protège de tout abus. Pour tenter de comprendre la situation, une rencontre des inspecteurs de l'éducation chargés de cette matière s'est tenue en fin de semaine à Béjaïa. Elle visait notamment à proposer des alternatives à leur tutelle. Un document portant des propositions concrètes a été produit et soumis au ministère. Sans suite. Cette nouvelle donne a créé une onde de choc chez de nombreux militants de la cause amazighe, particulièrement en Kabylie où l'on s'interroge sur les motivations d'une telle décision. Le statut de langue officielle, dont bénéficie tamazight depuis 2016, oblige les autorités à non seulement élargir son enseignement, mais encore à "œuvrer pour sa promotion". L'enseignement étant l'un des moyens les plus efficaces pour vulgariser une langue. Or, outre le caractère facultatif de son enseignement qui pousse certains parents à refuser d'autoriser leurs enfants à y souscrire, la langue amazighe peine à trouver sa place dans le système éducatif national. Pour l'inspecteur de tamazight, qui s'est exprimé sur la chaîne BRTV, la faute n'est pas à mettre sur le compte de la Constitution qui donne à cette langue le statut de langue officielle, mais au programme d'orientation scolaire qui ne permet pas de rendre l'enseignement de la langue de Si Mohand Ou Mhand obligatoire. "Il faut que le statut change", a clamé Yahia Bellil. Au-delà de ce fait, c'est l'éternel débat sur le vrai statut de tamazight qui refait surface. Cela fait 26 ans que cette langue, reconnue nationale en 2012, puis officielle en 2016 (même avec un statut d'éternelle seconde langue), est officiellement inscrite sur les tablettes du ministère de l'Education nationale. Symbolique au départ, l'enseignement de cette matière s'est peu à peu élargi et le nombre de fonctionnaires recrutés par l'Education nationale augmente. Des inspecteurs sont promus et spécialement dédiés à tamazight. Paradoxalement, cela reste toujours au stade des symboles. Car si officiellement, l'enseignement de tamazight est assuré dans une quarantaine de wilayas, cela concerne uniquement quelques écoles, parfois quelques classes dans une wilaya entière. Pire, à cause du caractère facultatif, l'adhésion des parents d'élèves est loin d'être acquise à tel point que dans certaines écoles, les enseignants se retrouvent face à un nombre d'élèves qui se comptent sur les doigts d'une main. Pis encore, cette possibilité, qui est donnée à des parents de ne pas inscrire leur progéniture dans des classes dispensant la langue amazighe, a donné lieu à de violentes polémiques sur les réseaux sociaux. Une scène qui commence déjà à se répéter avec ce nouvel "incident" qui risque de se transformer en nouveau feuilleton. Pour l'heure, seule une décision du ministère de l'Education annulant le programme en cours pourra calmer les esprits. C'est en tout cas le souhait des enseignants de tamazight et des militants qui ne comprennent pas le recul de cet acquis qui vient après des années de lutte.
Ali Boukhlef Ce que dit la constitution dans son article 4 Tamazight est également langue nationale et officielle. L'Etat œuvre à sa promotion et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national. Il est créé une Académie algérienne de la langue amazighe, placée auprès du président de la République. L'Académie, qui s'appuie sur les travaux des experts, est chargée de réunir les conditions de la promotion de tamazight en vue de concrétiser, à terme, son statut de langue officielle. Les modalités d'application de cet article sont fixées par une loi organique.