La vie reprend doucement à Kaboul où les habitants ont repris leurs activités "sans changement notable", malgré cette crainte que les talibans reviennent sur leurs promesses et instaurent un émirat islamique. Les vingt années de guerre et de présence américaine en Afghanistan ont constitué une "tragédie" pour ce pays, a estimé hier le président russe Vladimir Poutine, au lendemain du retrait des Etats-Unis. Pour le président russe, les Américains ont non seulement échoué à imposer leurs plans mais aussi créé par ricochet une situation tragique dans ce pays. "Durant 20 ans, les soldats américains étaient présents sur ce territoire, 20 ans à tenter de (...) civiliser les gens qui y vivent, d'y implanter leurs normes et standards de vie", a commenté M. Poutine lors d'une rencontre avec des jeunes retransmise à la télévision. "Le résultat est une tragédie, des pertes pour ceux qui ont fait ça, les Etats-Unis, et plus encore pour les gens vivant sur le territoire de l'Afghanistan", a-t-il ajouté, lors d'un déplacement dans l'Extrême-Orient russe. Quant à l'avenir du pays après le retrait des Américains et de leurs alliés, Vladimir Poutine a jugé "impossible d'imposer quoi que ce soit depuis l'étranger". "La situation doit mûrir, et si l'on veut qu'elle mûrisse plus vite et mieux, il faudra aider les gens", a dit le président russe. Même appréciation de l'Iran qui a déclaré la veille, par le biais du porte-parole de son ministère iranien des Affaires étrangères, que deux décennies d'occupation américaine n'avaient apporté que "mort et destruction en Afghanistan". Les dirigeants afghans disposent à présent d'une opportunité historique de mettre fin aux souffrances de leur peuple en faisant cesser la violence et en formant un gouvernement inclusif, a indiqué sur Twitter Saeed Khatibzadeh, tout en assurant que "l'Iran se tient aux côtés du pays frère qu'est l'Afghanistan". Par ailleurs, le Royaume-Uni a ouvert des discussions avec les talibans pour obtenir un "libre passage" pour ses ressortissants et alliés hors d'Afghanistan après la prise de contrôle du pays par le mouvement radical. Sir Simon Gass "rencontre des hauts représentants talibans pour souligner l'importance d'un libre passage hors d'Afghanistan pour les ressortissants britanniques et les Afghans qui ont travaillé pour nous", a indiqué dans un communiqué le porte-parole du gouvernement. Il s'agit de la première confirmation publique de démarches diplomatiques entre Londres et les talibans. Mais si le calme est revenu à Kaboul la situation demeure toujours tendue au Panchir où ont lieu les premiers combats entre les talibans et les combattants du Front national de résistance (FNR) constitué autour d'Ahmad Massoud et Amrullah Saleh, le vice-président du gouvernement déchu. Les talibans ont appelé hier les combattants de la vallée du Panchir, l'une des dernières poches de résistance au nouveau régime, à baisser les armes pour éviter une guerre sanglante, après de premiers combats. "Mes frères, nous avons fait de notre mieux pour résoudre le problème du Panchir via des pourparlers et des négociations, en vain malheureusement", a déclaré un haut responsable taliban, Amir Khan Muttaqi, dans un message audio adressé aux habitants de la vallée et publié sur Twitter. "Maintenant que les pourparlers ont échoué et que les moudjahidine (talibans) ont encerclé le Panchir, il reste des gens à l'intérieur (de la vallée) qui ne veulent pas que les problèmes soient résolus de manière pacifique", a-t-il ajouté. "C'est à vous qu'il revient de leur parler. À ceux qui veulent se battre, dites-leur que cela suffit." Bastion anti-taliban de longue date, le Panchir est une vallée enclavée et difficile d'accès, située au cœur des montagnes de l'Hindou Kouch, dont l'extrémité sud se trouve à environ 80 km au nord de la capitale Kaboul. La résistance sur place y est organisée autour du FNR, emmené par Ahmad Massoud, fils du commandant Ahmed Shah Massoud assassiné en 2001 par Al-Qaïda. Amrullah Saleh, vice-président du gouvernement déchu, s'y est également réfugié. Composée de combattants de milices antitalibans et d'anciens membres des forces de sécurité afghanes, elle a juré de résister à toute offensive des nouveaux maîtres du pays tout en laissant dans le même temps ouverte la porte à des négociations si le mouvement islamiste mettait un terme à ses offensives.