Par : Mouhoubi Allaoua Retraité de l'enseignement supérieur En tout état de cause, avec Dame Nature qui a horreur du vide, la participation pour ce scrutin local se pose avant tout comme un acte de responsabilité pour ne pas laisser la voie libre à l'illégitimité des opportunistes de tous bords qui ne peuvent que ternir davantage l'image du mandat local et aggraver la défiance du citoyen à la chose politique. Le cap est mis sur l'élection des assemblées locales communales et de wilaya (APC – APW). Ce scrutin anticipé de proximité, qui va probablement mieux emballer la participation, ne manque cependant pas de susciter des questions majeures auxquelles cette modeste contribution tente d'apporter des éléments de réponse pour les assemblées populaires communales (APC) qui sont censées disposer d'un pouvoir d'exécution : y a-t-il un pouvoir local élu ? Et, par voie de conséquence, quel mode de gouvernance faut-il adapter ? Et, in fine, quel profil doit avoir le nouvel élu ? On est tenté de penser que la réponse négative est évidente, si l'on considère le déplacement des protestations des citoyens vers les actions de fermeture de routes et leurs attroupements répétés devant le portail de la wilaya, pour des préoccupations d'infrastructures de base relevant en principe de la seule compétence de l'élu local, qu'il soit au niveau de l'inscription ou de la réalisation. Le regard des citoyens est quelquefois tranchant vis-à-vis de ces élus qu'ils considèrent comme une portion incongrue du système et dépourvue de pouvoir, au point d'être dans l'impuissance de réaliser ou de déplacer un simple dos d'âne. Sans tomber dans ce genre de caricature, la réponse à la question va être explorée à un premier niveau sous l'angle de trois prismes : l'aménagement et l'urbanisme, le développement économique, le logement. En dehors de l'autorité légale qu'il détient dans la délivrance des permis de construire, de démolir et des certificats de conformité, la planification de l'urbanisme et du développement local a déserté le périmètre du pouvoir de l'élu qui n'a pas d'ascendant réel sur les instruments qu'il est censé avoir adoptés, à l'instar des plans d'occupation des sols (POS) et du plan directeur d'aménagement d'urbanisme (PDAU). Instruments opposables aux tiers qui sont souvent contournés par l'autorité administrative marquant un décalage fréquent entre une législation centralisée et des réalités urbanistiques locales. À ce niveau, la marge de manœuvre de l'élu est tellement réduite qu'on peut parler d'un mythe de la planification de l'urbanisme local et de l'aménagement. La société civile, quant à elle, exclue du processus, est contrainte à des réactions post-fait accompli, dans les cas de promotions immobilières démesurées ou d'atteinte sur des patrimoines. La Constitution, qui affirme que la collectivité est l'assise de la décentralisation, a-t-elle pour autant mis en place le cadre idoine pour faire de l'élu local un acteur dynamique qui s'implique dans le développement du territoire. Dépouillée des leviers essentiels qui sont le foncier et la fiscalité locale, la collectivité reste un acteur passif qui n'a aucune influence pour attirer ou retenir les facteurs de production et les investissements créateurs d'emplois. Quel mode de gouvernance ? LPP, LPL, LSP, LPA, tout un florilège de formules de logements dans lesquelles la commune ne joue aucun rôle actif, si ce n'est celui d'un encombrant enregistrement des demandes des citoyens. Dépourvue de pouvoir tant dans la production que dans la distribution de logements sociaux, la position de l'élu est réduite à celle d'une voix consultative dans les commissions de daïra. La commune servira, par contre, de parechoc pour amortir les colères récurrentes qui suivent l'affichage des listes des bénéficiaires. Dans ce domaine et autres, il y a comme une régression législative du code en vigueur qui a carrément supprimé tout le chapitre habitat de l'ancienne loi 90-08 du 07/04/1990 relative à la commune qui octroyait des attributions en matière d'initiation ou de participation à des programmes de promotion de logements. Dépourvu de ces missions de gouvernance économique et de développement, le pouvoir local de l'élu n'est pas pour autant négligeable au regard des nombreuses prérogatives de services publics de proximité essentielles pour le citoyen. Prestations qui doivent être fournies en continu, avec un service de qualité qui exige l'adaptation du mode de la gouvernance locale et le type de profil de l'élu. L'enjeu prochain de la gouvernance des collectivités locales sera, par voie de conséquence, la transformation des modes de gestion pour l'amélioration de ces prestations de service public et la maîtrise des risques qu'elles entraînent. Risque juridique en matière de respect de la légalité et de la règlementation avec une administration saine et efficace, qui passe par la mise en place des outils de contrôle interne. Le risque financier avec l'exigence de maîtriser les coûts des différents services publics à forte propension de privatisation comme la gestion des déchets ménagers, de l'éclairage public, l'entretien de la voirie, des réseaux et des infrastructures scolaires et de jeunesse. Le risque numérique en l'absence d'une communication développée face à la puissance des réseaux sociaux. Le risque économique qui nécessite l'optimisation des ressources autres que les dotations fiscales de l'Etat. Le risque environnemental et de catastrophes qui exigent la mise en place des outils d'alerte, l'adoption des plans d'organisation des secours et leur simulation. Enfin, le risque politique devant une société active qui exige de l'écoute sociale, de la transparence et plus de participation citoyenne. Tous ces éléments militent pour un nouveau management des services publics qui doit inévitablement intégrer les mécanismes d'évaluation de tous ces processus sur la base de critères de gestion loin de tout dogmatisme. Quel profil doit avoir l'élu local ? Partant de ces enjeux sans profonde résonance politique, la question du profil de l'élu local mérite d'être posée et repensée. Serait-il convenable de tirer comme toujours un candidat classique de la corbeille partisane très souvent sans rapport avec les exigences de la gestion locale et de son évolution. Au vu du discrédit du politique à l'échelon local qui, au demeurant, n'a jamais établi de bilan, ce choix s'apparente à un pari très risqué. Peut-on objectivement encore s'accrocher à "l'élu notable" face à des temps qui changent sur tous les plans. Faut-il s'incliner vers le profil de technicien indépendant capable d'apporter des compétences pour améliorer le fonctionnement des services publics précités ? Ou faut-il opter pour le profil de l'émancipé capable de préserver la souveraineté de l'assemblée. Devant la complexité de l'état des lieux existants et la nécessité d'assurer l'équilibre avec l'administration interne qui détermine le mandat, l'association de l'expérience, de l'autorité, de la compétence et de la jeunesse serait la combinaison à ne pas négliger. Un profil nouveau et singulier de l'élu local qui mérite certainement un débat collectif de manière à établir une sorte de fiche de poste consensuelle. Situation qui risque, cependant, d'obéir à d'autres calculs en vertu du dernier amendement des modalités de désignation des présidents d'APC qui seront élus par leurs pairs, en dehors du suffrage universel direct. En tout état de cause, avec Dame Nature qui a horreur du vide, la participation pour ce scrutin local se pose avant tout comme un acte de responsabilité pour ne pas laisser la voie libre à l'illégitimité des opportunistes de tous bords qui ne peuvent que ternir davantage l'image du mandat local et aggraver la défiance du citoyen à la chose politique. Gageons aussi sur le nouveau scrutin à listes ouvertes qui peut le pousser à s'impliquer directement et choisir des élus à compétences réelles avec des universitaires, loin des pratiques claniques habituelles.