Dominique de Villepin n'exclut pas de recourir au droit de veto dont dispose la France au Conseil de sécurité pour s'opposer à la guerre en Irak que George Bush persiste à vouloir imposer. Au moment où les Etats-Unis apportent les dernières retouches à leurs préparatifs de guerre avec le soutien inconditionnel de la Grande-Bretagne, la France s'oppose fermement à l'utilisation de la force pour désarmer l'Irak. À l'issue d'une houleuse réunion du Conseil de sécurité, transformée en un bras de fer entre Paris et Washington sur la question irakienne, alors qu'elle avait comme ordre du jour le terrorisme, le chef de la diplomatie française a durci davantage le ton. Il est allé jusqu'à invoquer un possible recours au droit de veto pour s'opposer à la solution militaire prônée par George Bush. Sans le dire expressément, Dominique de Villepin a laissé entendre que son pays irait jusqu'au bout de son opposition. La confrontation diplomatique entre les deux Etats se dessine peu à peu. Jacques Chirac a commencé par hausser le ton, en recevant les deux responsables des inspections de l'Onu en Irak, Hans Blix et Mohamed El-Baradeï, vendredi dernier. Sans nommer les Etats-Unis, le patron de l'Elysée a mis en garde contre toute action militaire unilatérale décidée en dehors d'un consensus au Conseil de sécurité. “Il appartient au Conseil de sécurité, et à lui seul, de porter un jugement à la fois sur les rapports et sur les demandes des inspecteurs”, avait précisé Jacques Chirac. Il a, par la suite, ajouté : “Par conséquent, si tel ou tel pays prenait une mesure qui ne soit pas conforme à ce que je viens de dire, il se mettrait purement et simplement en contravention avec la règle internationale. C'est une position que la France ne pourrait naturellement pas soutenir.” Le chef de l'Etat français a franchi un second palier, en déclarant au Figaro qu'il “poursuivra son effort” pour éviter une guerre contre l'Irak. C'est, ensuite, le tour de Dominique de Villepin de faire monter d'un cran la tension entre Paris et Washington en affirmant : “La France, comme membre permanent du conseil de sécurité, assurera toutes ses responsabilités, fidèle aux principes qui sont les siens.” Pendant ce temps, George Bush fait fi de tous les appels pour privilégier la diplomatie et continue à déployer ses forces dans le Golfe. Il promet même d'annoncer bientôt quand il “désarmera Saddam Hussein”. Selon lui, l'intervention militaire n'est plus qu'une question de temps. L'opposition à la politique américaine vis-à-vis de l'Irak, dirigée par la France, la Chine, la Russie et l'Allemagne, ne dérange pas outre mesure la Maison-Blanche, qui en minimise l'importance. La réunion du Conseil de sécurité de l'Onu du 27 janvier prochain, qui aura à apprécier le premier rapport sur les inspections menées depuis deux mois en Irak, donnera sans aucun doute une autre dimension au bras de fer entre Paris et Washington. K. A. Ed Kennedy : “La menace irakienne n'est pas imminente” La Corée du Nord et le terrorisme sont les dangers les plus grands et les plus immédiats pour l'Amérique, et non l'Irak, a estimé mardi dernier le sénateur démocrate Edward Kennedy. “Je continue d'être convaincu qu'il s'agit de la mauvaise guerre au mauvais moment”, a-t-il déclaré dans un discours devant le club de presse de Washington. “La menace présentée par l'Irak n'est pas imminente et (un conflit avec ce pays) distrairait l'Amérique des deux menaces les plus évidentes et immédiates à notre sécurité, à savoir le danger terroriste et la crise nord-coréenne”, a ajouté le sénateur libéral du Massachusetts (nord-est). Le scénario le plus probable est qu'“une attaque contre l'Irak sans un large soutien de nos alliés ne fera pas avancer les efforts pour faire échec à Al-Qaïda mais les saperait en affaiblissant la coalition internationale et en accroissant l'antiaméricanisme dans le monde”, a-t-il estimé, exprimant l'opinion d'une frange importante de démocrates. Soulignant aussi que l'Administration Bush n'a transmis que récemment des informations confidentielles aux inspecteurs en désarmement pour les aider à localiser de possibles armes de destruction massive, le sénateur a plaidé pour leur laisser tout le temps nécessaire pour qu'ils puissent accomplir leur mission. “Si leur but est le désarmement, nous obtiendrons probablement plus de résultats par les inspections que par la guerre”, a-t-il martelé. En revanche, l'éclatement de la crise en Corée du Nord avec le départ forcé des inspecteurs de l'Onu et le retrait de ce pays du traité de non-prolifération nucléaire met “les Etats-Unis face à une situation urgente”, a insisté M. Kennedy.